Chapter 3
Les Yacks de Guerre
Lhassa, 7 Novembre 1936
Académie militaire royale
Reting Rimpoche est plongé dans l'étude de larges cartes du Sinkyang et du Tibet. Le général Gyato Wangdu entre dans la pièce, manifestement excité.
Gyato Wangdu: M. le Premier ministre, voici le rapport de notre attaque contre le Sinkyang !
Reting Rimpoche: Ah ! Des bonnes nouvelles j'espère ! Je suppose que notre attaque soudaine dans le désert les a pris totalement au dépourvu ?
Gyato Wangdu: Notre stratégie était parfaite. Nos divisions se sont retranchées dans les montagnes qui surplombent le désert du Taklimakan à la frontière du Sinkyang. Leur mission principale était de hurler toute la journée : "Ah ! Ah ! C'est une avenue jusqu'à Urumqi ! Ils ne nous attendent pas ici et c'est pour ça qu'on va traverser le désert sans rencontrer d'opposition et prendre leur capitale par surprise !"
Reting Rimpoche: Leur mission était de faire QUOI ?
Gyato Wangdu: Je sais que c'est dur à croire, mais heureusement nous avions des hauts-parleur. Un ancien chanteur d'opéra russe qui s'était engagé dans notre armée a aussi énormement aidé nos soldats à faire porter leur voix.
Reting Rimpoche semble prétifié. Il regarde au loin, les yeux dans le vague.
Gyato Wangdu: Naturellement ils ont fait ce que nous avions prévu : ils ont envoyé division après division pour garder leur frontière.
Gyato Wangdu a un sourire sardonique.
Gyato Wangdu: C'est là qu'intervient notre connaissance pointue de la géographie himalayenne. Vous voyez cette grande feuille de papier blanc sur laquelle vous êtes en train de sangloter ?
Reting Rimpoche (essayant de retrouver une contenance). Oui, absolument.
Gyato Wangdu: Il s'agit en fait d'une carte du désert du Taklimakan. Pas de routes, pas de villages, même pas des cailloux à ronger pour tromper la faim. Alors, évidemment, les soldats ennemis sont totalement épuisés, déshydratés et pratiquement à court d'approvisionnement quand ils arrivent au pied des montagnes. Le simple fait que nous soldats crient depuis le haut de la falaise "Hé ! Pas trop d'eau dans mon whisky !" suffit généralement à les mettre en déroute. Dans le pire des cas, lorsqu'on a affaire à une division d'élite, nos soldats doivent ajouter "Bon, assez fait la guerre ! Tout le monde dans le jacuzzi !"
Reting Rimpoche: Et ça a marché ?
Gyato Wangdu: Nous estimons que 58% de l'armée du Sinkyang suit un traitement pour dépression nerveuse. C'est à ce moment qu'on a attaqué.
Reting Rimpoche: Ah, excellent ! Je suppose que vous avez attaqué à travers les montagnes près de la frontière afghane, là où ils ne nous attendent plus du tout ?
Gyato Wangdu: Euh, en fait non. Nous avons précisément attaqué à travers le désert du Taklimakan. Naturellement, nos soldats étaient totalement épuisés, déshydratés et pratiquement à court d'approvisionnement quand ils sont arrivés au pied des montagnes où se trouve Urumqi.
Reting Rimpoche: (essaie de dire quelque chose, mais sa machoire reste pendante et il arrive seulement à demander : “Graagh ?”)
Gyato Wangdu: Heureusement, nos voitures blindées nous ont sauvé la mise. Le lieutenant-general Namgyal Dor a eu cette idée de génie : il a sorti sa tête de la trappe de sa voiture blindée, s'est accoudé sur le blindage et a dit : "Cette plage est superbe non ? Et ce soleil, il est pas beau ? Mais les gars, essayez d'avoir l'air un peu cool, sinon on n'arrivera jamais à choper des filles comme ça...." Ca a donné à nos hommes juste le petit plus de moral qu'il leur fallait pour tenir leur position et repousser la contre-attaque du Sinkyang.
Reting Rimpoche: Vous venez d'offrir au Tibet sa bataille d'Austerlitz ! Dans mes bras !
(serre le général dans ses bras)
Chef des Services Secrets Kundeling (se précipite dans la pièce): Monsieur ! Nous l'avons trouvé !
Reting Rimpoche : Ahem! La prochaine fois, frappez avant d'entrer ! Qu'avez vous trouvé ?
Kundeling: Le Dalaï Lama! La réincarnation de Thubten Gyatso! C'est un petit garçon d'un an !
Reting Rimpoche : Du calme. Qu'est-ce qui nous prouve que c'est vraiment sa réincarnation ?
Kundeling: Eh bien les moines ont l'air assez sûrs de leur coup. En plus, il reconnaît les objets appartenant à l'ancien Dalaï Lama.
Reting Rimpoche : Tt-tt-tt. Pas si vite. C'est une question importante, et il n'y a pas lieu de se précipiter. Avant tout, apportez moi l'enfant.
Un moine entre, portant le bébé endormi. Il le donne au premier ministre.
Reting Rimpoche : Alors mon ptit gars, t'es vraiment la réincarnation du Dalaï Lama ? Hmm ? Il a l'air de bien dormir. Guili guili ! Réveille-toi !
Bébé: *se réveille et regarde Reting*.
Reting Rimpoche : Tu me reconnais ? C'est moi, ton premier ministre préféré, Reting Rimpoche !
Bébé: *regarde d'un air desespéré, commence à pleurer, puis vomit sur Reting. Puis il se met à rire et à applaudir avec ses petites mains*
Reting Rimpoche : Ne cherchez plus. Il m'a retrouvé.