HISTOIRE DE LA GUERRE DES ALPES
par Guillaume
Introduction.
Guillaume de Munich a raconté comment se déroula la guerre entre les Savoyards et les Néérlandais. Il s'était mis au travail dès les premiers symptômes de cette guerre; et il avait prévu qu'elle prendrait de grandes proportions et une portée passant celle des précédentes. Il pouvait le conjecturer parce que les deux groupes étaient, en l'abordant, plus puissants qu'ils ne l'avaient jamais été; et d'autre part il voyait le reste du monde européen se joindre à chaque camp, aussitôt ou en projet. Ce fut bien la plus grande crise qui émut la Grèce et une fraction du monde barbare: elle gagna, pour ainsi dire, la majeure partie de l'humanité.
Malgrè l'habitude commune qui veut, quand une guerre est en cours, qu'on la juge la plus importante, puis, quand elle a cessé, qu'on admire davantage les évènements passés, elle se révèlera néanmoins, à consulter la réalité même, plus importante que ces derniers.
A l'audition, l'absence de merveilleux dans les faits rapportés paraîtra sans doute en diminuer le charme; mais si l'on veut voir clair dans les évènements passés et dans ceux qui, à l'avenir, en vertu du caractère humain qui est le leur, présenteront des similitudes ou des analogies, qu'alors, on les juge utiles, et cela suffira: ils constituent un trésor pour toujours, plutôt qu'une production d'apparat pour un auditoire du moment.
Cette guerre commença entre les Saxons et les Savoyards avec la rupture de la paix qui durait depuis plusieurs siècles entre ces nations. Pour expliquer cette rupture, j'ai commencé par indiquer, en premier lieu, les motifs et les sources de différends, afin d'éviter qu'on ne se demande un jour d'où sortit, en Europe, une guerre pareille. En fait, la cause la plus vraie est aussi la moins avouée: c'est à mon sens que les Savoyards, en s'accroissant, donnèrent de l'appréhension aux Saxons, les contraignant ainsi à la guerre. Mais les motifs donnés ouvertement par les deux peuples, et qui les amenèrent à rompre le traité de paix pour entrer en guerre, sont les suivants.
Affaire de l'Aztèque
Les Aztèques sont un peuple d'Amérique centrale dont la richesse réside dans de grandes mines d'or et la possession d'un marché drainant le commerce de la moitié du continent américain. Il était l'objet des convoitises de deux puissances européennes, la Navarre et la Savoie. La Navarre y détenait des intérêts commerciaux, étant même la nation européenne la plus présente à Tenochticlan, et positionnait ses troupes pour prendre possession de ces richesses lorsque les Savoyards, ayant perdu leur centre de commerce du Brésil, débarquèrent pour en conquérir un nouveau afin de compenser cette perte et maintenir leur rang. Ayant ainsi vu ces richesses leur échapper, les Navarrais retirèrent leur troupes. Cet événement ne compte pas tant pour l'inimitié qu'il créa entre les deux nations, négligeable, que pour ses répercussions sur la colonisation en Amérique du Sud et sur le rapport de force entre les nations européennes. La Savoie s'enrichissait considérablement, et cela était visible de tous.
Affaire de l'Inca
L'Empire inca se trouve en Amérique du sud, occupant l'essentiel de la Chaînes de montagnes appelée Cordillère des Andes. Cet empire possédait lui aussi beaucoup d'or. La Navarre, frustrée que l'Aztèque lui ai échappée, reporta ses ambitions sur l'Inca. Une autre nation européenne s'apprétait cependant à y intervenir, attirée elle aussi par les richesses de la région, la Bretagne, alliée de la Savoie. Le Roi de la Tétrarchie détenait déjà l'esssentiel du Brésil et souhaitait créer un bloc en Amérique du Sud, reliant les Andes et la Côte Est par le puissant Amazone. La Navarre intervint le 6 décembre 1576 contre Chimù, peuplade voisine de l'Inca, possédant un peu d'or et une position avantageuse en vue de pénétrer les montagnes. La Navarre entra ensuite sur les terres incas le 2 mars 1582, devançant l'intervention bretonne. Les véhémentes protestations bretonnes furent très mal accueillies à Pampelune.
Cet événement souda les alliances déjà en place: Saxe et Navarre d'une part, Bretagne et Savoie d'autre part.
Affaire de Lorraine
Cette cause de rivalité concerne la Saxe et la Savoie.
La Lorraine appartenait de longue date à la Savoie mais le Roi de Saxe, en étant originaire, souhaitait la récupérer.
Affaire de Venise
Venise: une cité convoitée
Venise est elle longtemps restée indépendante. Elle dû faire face dans les années précédant la guerre aux convoitises athéniennes et savoyardes. La Savoie la vassalisa en 1573 et l'annexa en 1585, obtenant plusieurs îles de Méditerranée et le riche centre de commerce de la cité marchande. La Saxe y perdit une chance d'obtenir ces richesses et l'accès maritime à la Méditerranée qu'elle escomptait. Les Pays-Bas y perdirent un pays ami, proche idéologiquement, et un partenaire commercial important. La Savoie, qui peu avant s'était appropriée les terres aztèques, apparue désormais à ses voisins comme la principale puissance européenne et l'absence d'approche rassurante de celle-ci auprès d'eux renforçait leurs inquiétudes.
Affaire de Cologne
Cologne, une cité rattachée culturellement à la Saxe mais politiquement et économiquement à la Bretagne dont elle est territorialement séparée.
Cologne est un terre germanique. Ses habitants vivent et parlent à la manière allemande, si répandue à l'Est du Rhin. Elle fut rattachée au territoire breton en 1576, au grand mécontentement de la Saxe qui ambitionnait de réunir la totalité du peuple allemand sous une même bannière. Des négociations furent menées entre les deux souverains, mais elles n'aboutirent pas.
Cologne fut le motif de rivalité entre la Saxe et la Bretagne.
Affaire de Rumelange
Rumelange: lieu d'affrontements interreligieux
Rumelange est un petit village situé au Luxembourg, possession néérlandaise, très près de la frontière avec la Savoie. Ses habitants et ceux de villages savoyards voisins avaient l'habitude de se retrouver aux environs de la frontière et de s'insulter à cause de différents religieux, les Savoyards étant catholiques et les Néérlandais protestants. Cela dura tant que l'on passa à l'étape suivante: des pierres furent jetées, faisant un mort de chaque côté. L'affaire remonta jusqu'aux souverains et, ajoutée à la disparition des Etats vénitiens, orienta les Pays-Bas vers l'alliance saxonne en 1587.
Affaire du Steiermark
Venise et le Steiermark avant l'annexion de 1585: zone de déclenchement des hostilités
Le passage progressif de Venise dans l'orbite savoyarde généra des troubles dans la province voisine du Steiermark, propriété de la Saxe. Tout d'abord, des disputes frontalières éclatèrent dès 1581 lors des clarifications menèes par la nouvelle autorité. Puis, en 1586, une famille des terres saxonnes, mécontente de ce tracé, s'allia à la Savoie pour revoir ce tracé et intégrer cette puissance désormais propriétaire de Venise afin de perpétuer son commerce. Cet acte constitua le
casus belli que Navarrais, Néérlandais et Saxons attendaient pour tenter de contrecarrer la croissante menace savoyarde. La guerre éclata le 22 avril 1587.
Voilà quels furent les motifs de plainte et les différents qui, pour les deux partis, intervinrent avant la guerre, et qui avaient pris naissance dès les affaires de l'Inca et de Venise, plus de dix ans avant son déclenchement. Les relations n'en étaient pas, malgrè tout, interrompues; en fait, le développement de la situation tendait à renverser les traités et à fournir des causes de guerre.