12 juillet 1938 Zurich, entrevue secrète entre le Führer et le Maréchal
Les Suisses avaient bien fait les choses : l’endroit, un manoir isolé dans un grand parc à la sortie de Zurich, était aussi cossu que discret. Ils firent entrer Champenois dans le salon chaleureux où ronflait un splendide feu de cheminée puis se retirèrent. L’entrevue devait se tenir à deux, sans interprète puisque le Français parlait couramment la langue de son interlocuteur. Il se pencha sur le feu qu’il remua distraitement. Le führer fit son entrée quelques minutes plus tard. La porte se referma sur les deux hommes qui tenaient le destin de l’Europe.
- Ach, bonchour Champenois. Fous êtes très ponctuel.
- On est en Suisse, Adolph, je m’adapte aux coutumes locales.
- Très bien. Che suis ravi que fous ayez akzepté zette entrefue…
- Laisse tomber les salamalecs, Adolph. On est entre nous et personne ne nous écoute, viens-en au fait. Et commence par me dire pourquoi t’as laissé tomber le rital ?
- Ach, Schön. Z’est simple François : che rezpekte la force. Bénito était un faible : sa déroute face à tes armées l’a proufé.
Le temps de l’amitié italo-allemande
- Je me doutais bien d’un truc dans ce genre. T’as pas peur de passer pour un allié pas franchement fiable ?
- Ze n’est pas grafe : mein lebensraum est à l’Est. De ze côté che ne cherche nul allié.
- A l’Est ? L’Alsace-Lorraine ne t’intéresse plus ? Merde, Adolph déconne pas : tous mes petits gars n’attendent qu’une chose c’est qu’on se fasse une vraie bonne guerre entre nous !
- Nein. Che troufais la France molle, décadente, corrompue, affaiblie par le complot judéo-maçonique, sur le point de succomber au communisme…
- Laisse tomber : j’ai lu ton bouquin et je n’ai pas de carte d’électeur en Allemagne.
- Ach, ya. Che me suis dit le Champenois il a des kouilles ! Il a refait de la France une vraie nation. Pourquoi ne pas s’entendre ?
- La vache ! Si j’étais pas assis j’en tomberai sur le cul…
- Tu as déjà pris Espagne, Portugal et Italie. Pourquoi ne pas continuer ? La Belgique c’est plein de Français. Il y en a aussi en Suisse d’ailleurs. Che me réserverai les Pays-Bas et la partie belge néerlandophone. A toi la Yougoslavie et les Balkans. A moi la Scandinavie. Et la Pologne…
- Ohla stop. Tu oublies un certain nombre de détails. Premièrement je ne suis pas le chef de la République Fédérale de France mais juste son chef d’état-major. Deuxièmement nous ne faisons pas des conquêtes mais des libérations. Troi…
- Ach ne me fait pas rire afec tes « libérazions », moi aussi c’est ze que che raconte.
- Hum. Ouais, t’as raison. C’est marrant comme à force de répéter des conneries on finit par y croire soi-même. Troisièmement mon ami Léon peut pas te sacquer.
Mon copain Léon
- Léon ? Z’est qui za ?
- Blum.
Alors le führer, si calme jusque-là, explosa :
- Ein judensau ! Comment peux-tu écouter un juif ? Comment ze juif peut-il être député ? Et pourquoi pas ministre ou président !
- Hum, Adolph, ça m’ennuie de te rappeler ça mais ton grand-père il n’était pas juif ?
- Ze salopard qui a abandonné mein grossmutti ? Ze n’est pas mon grand-père !
- Donc, logiquement hein, tu es… un peu juif quoi.
- Nein ! Za z’attrape par les femmes ! Ich bin kein juden ! ICH BIN KEIN JUDEN !
- Hum. Mouais si tu veux, mais franchement, sans vouloir faire de la psycho à deux balles, tu devrais consulter un psy… yen a qui sont chrétiens si ça te rassure.
- …
- Donc mon ami Léon il a dit un truc pas con : « … Le dogme racial, le dogme qui confond la nation avec l’existence d’une race pure, homogène, exempte de tout alliage, et qui veut concevoir l’idée et appliquer la pratique d’une différence spécifique entre les races, d’une différence entre races supérieures, faites pour le gouvernement et la conquête, et de races inférieures, condamnées et faites on ne sait trop pourquoi. Vous savez que s’il fallait une race entièrement pure et homogène pour faire une nation, il n’y aurait pas une seule nation dans le monde. » Et bien tu vois Adolph je trouve qu’une nation c’est plus sympa qu’un peuple. La France est une nation. La République Fédérale l’est encore plus.
- Ze sont juste des mots…
- Quatrièmement., puisqu’on est dans les citations : « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Péter la gueule de nos voisins du sud c’était facile. Défoncer ta belle armée ça c’est la classe.
- Che vois qu’il zera impossible de s’entendre. Dommache.
- Cinquièmement j’ai fait un rêve. Une armée formidable qui défilait dans un ordre parfait sur les Champs-Elysées et saluait son chef. L’armée c’était la tienne, le chef c’était toi. Ce putain de rêve m’a foutu les boules alors ouais t’as raison : il sera impossible de s’entendre.
Putain de rêve…