Juin à novembre 1937 : Guernica mi amor
- Qu’est-ce qu’il fout Champenois ? Faut y aller, nom de Dieu ! cria Corap.
- Il a peut-être les pleins pouvoirs militaires mais ce genre de décision ne dépend pas de lui. Vous le savez bien, Corap. Vous vous souvenez de la définition du mot « démocratie » ? fit remarquer ironiquement Weygand.
- Tout de même le conseil des ministres est bien long, se plaignit Delestraint. Nous avons pourtant des instructions claires pour la chasse aux dictatures. Je ne vois pas pourquoi ils tergiversent autant.
- Equilibre des pouvoirs en Europe, intervint Giraud. Notre réaction risque de déclencher celle des fascistes italiens et des nazis allemands. Seuls contre trois nous n’aurions aucune chance.
- Champenois pense que les italiens sont trop occupés en Afrique et que les Allemands ne sont pas prêts. Et puis de toutes façons nous avons le soutient des Anglais, ça équilibre les chances fit remarquer Delestraint.
- Dommage que Garchery et Huntziger ne soient pas revenus d’Amérique, leurs 7 divisions d’élite auraient été précieuses, dit Weygand.
A ce moment la porte du QG s’ouvrit à la volée et Champenois entra d’un pas pressé, le visage fermé.
- Messieurs. Nous avons le feu vert du conseil des ministres et l’assemblée nationale vient de lui renouveler sa confiance par un vote quasi unanime. Nous sommes en guerre contre l’Espagne nationaliste. Et pour bien montrer qu’on emmerde les nazis on a retenu le titre d’opération proposé par Corap : Guernica mi amor.
- Ils bougent toujours pas les boches ? Demanda Corap.
- Toujours pas, répondit Delestraint.
- Et les ritals ?
- Pareil.
- Quelle bande de fiottes ces dictateurs ! Ah ça pour attaquer l’Ethiopie ya du monde ! Mais quand il s’agit d’une vraie guerre ya plus personne ! Je suis déçu, mais alors déçu…
- Je te signale tout de même qu’on est loin d’en avoir fini ici. Madrid est toujours aux mains de Franco.
- Certes, certes. Mais tu sais bien que ce n’est qu’une question de temps : notre équipement est largement supérieur et une bonne partie de la population nous soutient.
- Alors qu’est-ce qui te rend aussi nerveux ? Trop de café ou bien… ce ne serait pas la perspective du combat contre Huntziger ?
- Arf tu rigoles ? Contre le vieux ? Je vais le moucher une main dans le dos l’Alsacien !
- Il s’entraîne tous les jours, il paraît. Garchery dit qu’il a perdu 15 kilos et est devenu dur comme un roc. Il court devant ses troupes alpines dans les montagnes. Comme un cabri. T’as encore pas mal de bide, toi…
- Ouais, moi je perds pas mon temps à faire la danseuse. Un aller-retour en pleine tronche et il arrêtera vite de courir comme une gazelle. Aux quatre coins du ring qu’on va le retrouver, éparpillé façon puzzle !
Quelque part dans un cachot infâme d’une obscure prison de Barcelone. Un homme ensanglanté gît sur le bas-flanc de son lit métallique. Face à lui, assis sur une chaise, se tient le maréchal Champenois.
- Tu vois Franckie, si tu t’étais contenté de péter la gueule aux cocos et aux anars franchement on applaudissait. A la limite on criait « olé » pour te faire plaisir. Mais là t’as déconné grave en mettant les républicains dans le même sac.
- Yé voulais yuste ramener l’ordre dans le païsse. Ces cornutos égorgeaient les prêtres ! Ils pillaient les iglesias, même celle de mon cousin Julio.
- Et alors ? Nous on a fait ça ya deux siècles et on ne s’en porte pas plus mal, crois-moi. Un bon curé est un curé mort. Ou à la limite qui ferme sa gueule pour tout ce qui n’est pas religieux.
- Yé voulais remettre el païsse dans les mains d’el Rey !
- Alors ça c’est pire que tout, tu vois. Si t’étais pas déjà condamné à mort je crois que je te ferais la peau tout de suite. Un Bourbon ! Et pourquoi pas un Habsbourg tant que tu y es ? Ces fins de race dégénérés ? Pfff. Bon t’as un dernier souhait ?
- Yé ne veux pas que les gauchistes dirigent mon païsse !
- Tu veux pas plutôt une clope et une pute ?