Comme toutes les rues de Jérusalem, l’artère qui menait à la porte de Saint-Etienne était étroite. Aussi le cortège impérial s’était-il étiré en une longue colonne progressant péniblement à travers la sainte ville. La garde avait le plus grand mal à dégager un chemin à travers une foule de curieux venue admirer ce défilé de grands seigneurs.
La colonne était strictement hiérarchisée. Hobereaux et humbles courtisans fermaient le ban, précédés par une myriade de puissants barons et de grandes dames vêtues de riches parures. La tête du cortège était réservée aux conseillers et aux membres de la famille impériale, les Montoire.
En vertu de son droit d’aînesse, Agathe les précédait tous. La princesse avait le plus grand mal à progresser. L’été avait voulu jouer les prolongations jusqu’au cœur de l’automne et une chaleur étouffante s’était abattue sur la ville sainte. Agathe s’essuya le front puis réajusta son voile dans l’espoir d’échapper aux rayons du soleil et de conserver son expression impassible.
Un contrôle d’elle-même dont était incapable sa soeur cadette Isabelle qui marchait à côté d’elle : “Quelle idée a encore eu Père de nous faire venir à Jérusalem si tôt dans l’année ? Il faisait si doux au Palais du Sage.”
La princesse Isabelle et son fils naturel Hugues le Mal-né
D’ordinaire, la cour impériale passait le plus clair de l’été et du début de l’automne au palais du Sage construit sur les hauteurs des monts de Judée, ou au palais du Brisé, édifié au bord de la mer. Le retour au palais impérial de Jérusalem n’avait normalement lieu qu’à la mi-octobre.
“Père combat depuis trois bonnes années en Mésopotamie contre les mahométans, répondit calmement Agathe. Nous nous devons de l’accueillir comme il se doit à son retour de campagne.”
Elle savait bien que la chaleur n’était pas la cause du trouble de sa cadette. Depuis que le scandale avait éclaté, pas un instant ne s’était écoulé sans qu’Isabelle ne tremble à l’idée du retour de Père. Et ce jour était arrivé, aussi ne pouvait-elle s’empêcher de jeter des regards anxieux à son jeune fils, Hugues le Mal-né qui chevauchait à leur côté.
Pour sa part, le jeune homme était à mille lieues de se douter des craintes de sa mère. Il ne cessait de dévisager les gardes et la foule, avec une expression mi-craintive, mi-fascinée.
“Ma tante, ces vilains ne risquent-ils pas de s’en prendre à nous ? demanda d’une voix fébrile le jeune Hugues le Mal-né alors qu’il observait un groupe d’hommes repoussés par un garde.
“Le petit-fils d’un empereur ne devrait point craindre les hommes de peu”, répondit Agathe tout en souriant à son jeune neveu. A douze ans, le fils naturel d’Isabelle, ne paraissait pas en avoir plus de huit. Il était de nature craintive, mais la princesse l’appréciait beaucoup, peut-être parce qu’il lui évoquait l’enfant qu'elle n'aurait jamais. Elle avait insisté pour l’emmener avec elle, malgré les récriminations de ses demi-soeurs Béatrice et Eve qui jugeaient inconvenant d'accueillir Père avec un bâtard.
Cherchant à détourner son attention de la foule, Agathe désigna la porte Saint-Etienne dont ils approchaient. “Voyez-vous cette puissante porte flanquée de deux grandes tours ? Du temps de la Croisade, les Mahométans l’appelaient porte de Damas et elle marquait alors la limite septentrionale de la ville”. Deux cent ans plus tard, Jérusalem était la capitale d’un vaste empire qui s’étendait du Taurus à Aden et de la Libye à la Mésopotamie. La ville avait depuis bien longtemps débordée de ses murailles et des faubourgs s’étendaient au-delà de la porte.
Les yeux yeux du garçon brillèrent à l’évocation de la Croisade. “Est-ce la porte dont parle la chronique que Père Ancel m’a fait lire ? Celle par laquelle notre ancêtre est entré dans la ville ? C’est cet exploit qui lui aurait valu la couronne !
La prise de Jérusalem en 1099
-Non, corrigea Agathe. Hugues le Grand s’est emparé de la porte des fleurs, l’actuelle poterne Sainte-Madeleine. Ne rougissez néanmoins pas de votre erreur, c’est de cette confusion qu’est née la tradition d’accueillir le souverain à la porte Saint-Etienne.
-Comme nous allons le faire pour grand-père après sa campagne contre les Infidèles !”
Agathe acquiesça avec un sourire, ravie de voir que son neveu avait complètement oublié sa peur.
“Un jour, reprit le garçon en bombant le torse, ce sera mon tour de franchir la porte après avoir porté le fer contre les ennemis de Notre Seigneur. Je ferai honneur à mon nom et celui de mes ancêtres !”
Agathe vit le visage de sa sœur se décomposer de chagrin. Elle-même ne put s’empêcher de ressentir de la peine pour Hugues. Il semblait particulièrement fier de porter un prénom si important pour les Montoire que les nombreux Hugues devraient être distingués par des sobriquets. Mais celui du Mal-né était une référence à sa bâtardise, aussi le jeune homme avait peu de chances de mener le moindre homme à la bataille. Il apprendrait bien assez tôt sa place, comme Agathe l’avait fait.
Alors qu’ils étaient sur le point d’emprunter la porte, ils virent plusieurs jeunes garçons des rues assis avec désinvolture sur les créneaux. L’un d’eux s’était perché sur la statue de Saint Etienne qui surmontait la porte.
“Ma tante ! s’indigna Hugues. C’est un sacrilège contre notre Saint Patriarche !
-Il s’agit du martyr Saint Etienne qui vécut au temps des Romains, expliqua Agathe, pas de Saint Etienne de Jérusalem.”
Ce nom tira Isabelle de ses songes. “Un saint homme, dit-elle en se signant.
-L’avez-vous rencontré, Mère ?
-J’étais bien trop jeune pour en garder le moindre souvenir. Ta tante l’a par contre bien connu.”
Agathe sourit en découvrant le regard plein d’avidité du jeune homme. Pour toute réponse, elle s’empara de la petite boîte rehaussée de pierres précieuses qui pendait à son cou et l’ouvrit, découvrant un petit flacon. “J’ai conservé l’ampoule avec laquelle, il y a près d’un demi-siècle, le saint homme m’a baptisé. Mon grand-père, Hugues II le Brisé, avait alors eu la sagesse de lui confier les rênes du royaume, après les terribles années noires. Pendant 26 ans, il guida Jérusalem, apporta paix et prospérité, tout en servant loyalement le Brisé comme le Glorieux.” Elle embrassa la relique et referma le reliquaire. “Je l'ai faite fabriquer il y a 25 ans, en l’honneur de la visite à Jérusalem de Notre Saint Père Eugène IV. Avant de décerner le titre impérial à Père, le pape proclama la sainteté d’Etienne et en fit notre saint patron. Jamais je ne fus aussi heureuse dans la vie, que le jour où j’appris la sainteté de celui qui m’avait baptisé et instruit.”
Saint Etienne de Jérusalem
Le cortège impérial s’arrêta sur la place de l’autre côté de la porte. On avait placé ça et là de grandes bannières aux couleurs de l’Empire et de la famille Montoire et une petite estrade avait été installée pour les membres du conseil. Deux rangées de gardes s’étaient déployées pour contenir les habitants des faubourgs et détourner les nombreux marchands vers la porte de Josaphat.
Agathe s’empressa de placer les membres de la famille en rang dans l’axe de la porte. Une position de prestige, mais qui avait l’inconvénient de les exposer aux morsures du soleil. Aussi s’empressa-t-elle de faire venir des porteurs d’ombrelle.
Les princesses Eve et Béatrice
C’est à ce moment que vinrent la voir ses deux demi-soeurs. La maigre Eve souffrait durement de la chaleur, aussi c’est Béatrice qui prit la parole : “Agathe. Nous nous devons d’insister. Le bâtard ne peut rester ici, tu sais ce qu’il en pense.” Elle avait prononcé ses dernières paroles en regardant Isabelle d’un air dédaigneux. Cette dernière ne put se contenir très longtemps :
“Ma chère Béatrice, si seuls les enfants légitimes avaient le droit d’accueillir Père, nous ne serions guère nombreux devant cette porte.
-Suffit !” intervint Agathe. En tant qu’aînée, elle s’entendait avec tous ses frères et soeurs et elle était mal à l’aise lorsque ces derniers s’en prenaient les uns aux autres. L’infidélité des deux épouses de Père avait jeté une ombre sur la légitimité de tous ses enfants et la question était taboue entre frères et soeurs du même lit. Les accusations de bâtardise étaient néanmoins courantes envers ceux qui ne partageaient pas la même mère.
Elle se tourna vers son neveu : “Jeune homme, vous assisterez au retour de votre Grand-Père avec votre cousin Hugues le Blanc.”
Il s’agissait d’un bon compromis, qui satisfaisait à la fois le jeune homme et ses trois soeurs. Hugues le Blanc était le fils de son frère Hugues le Sombre. Membre légitime de la famille impériale, il était atteint d’une maladie de peau, aussi lui et son ivrogne mère la duchesse Catherine, était-il sur l’estrade des conseillers, à l’abri du soleil.
La duchesse Catherine et son fils Hugues le Blanc
Lorsque, satisfaites, Eve et Béatrice se retirèrent, Isabelle pu faire exploser sa colère : “J’espère avoir la joie de voir ses deux bâtardes défaillir devant moi !
-Isabelle !” la sermonna Agathe.
"Épargne-moi ta morale, chère sœur. Tu n’as pas eu à souffrir de la suffisance de ces deux garces si fières de leurs unions avec des ducs. Leur mère aurait été percée à jour plus tôt et elles auraient également fait des mésalliances comme moi et Marthe.
-Marthe est unie à la famille du despote d’Anatolie.
-Au frère du despote tu veux dire, et qui n'a aucune chance d’hériter un jour. Quant à moi… J’ai dû épouser ce balourd d’Etienne. Un simple chevalier ! Et au service de notre cousin Guichard qui plus est, le propre mari de Béatrice. Quand elle est devenue duchesse du Caire, elle n’a pas perdu une seconde pour rappeler que mon mari n’était que le serviteur du sien. Je suis sûr que c’est elle qui a révélé l’affaire !”
Elle fulminait et Agathe crut un instant qu’elle allait se jeter sur Béatrice. L’affaire avait fait grand bruit quelques mois plus tôt. Dans sa jeunesse, Isabelle avait eu des mœurs légères, au point de donner naissance à un bâtard, le jeune Hugues le Mal-né. Père avait rapidement étouffé l’affaire en la mariant à Etienne d’Eu, un homme qu’elle n’avait jamais aimé même si elle lui avait donné deux fils et deux filles. Elle avait fini par le tromper avec un homme du commun et par donner naissance à un nouvel enfant non légitime, le petit Aubry. Lorsque l’affaire avait été découverte, Isabelle avait été enfermée quelques jours avant que Père n’envoie un message pour la faire libérer. Elle était depuis restée à la cour, loin de son mari. C’était une femme brave, mais Agathe sentait qu’elle craignait plus que tout la réaction de l’empereur qui n’avait pas mentionner une seule fois l’affaire dans ses nombreuses missives.
“Je n’avais jamais compris pourquoi père ne t’avait jamais marié, toi, sa favorite, soupira Isabelle. Je te plaignais… Mais maintenant je sais qu’il t’a fait le plus beau des présents, et je t’envie.”
Cet aveu prit Agathe de court. Elle provoqua chez elle une bouffée de colère.
Un présent ? Une telle vie ? Alors que mes soeurs se mariaient à de puissants seigneurs et accouchaient de nombreux enfants, Père m’infligeait le célibat ! Alors que mes frères se voyaient promettre l’Empire ou de puissantes seigneuries, j’étais condamné par mon sexe à ne pas diriger ne serait-ce qu’une baronnie. Même l’amour de Dieu m’a été dénié lorsqu’il a refusé que je prononce mes voeux ! Qui suis-je désormais ? Une vierge de 47 ans, jouant le rôle de mère de substitution pour une fratrie querelleuse, et même pour une belle-mère de 15 ans ma cadette !
Agathe était sur le point d’exploser et de répondre sèchement à sa soeur, mais elle fut sauvée in extremis par le jeune garçon perchée sur la statue de saint Etienne.
“Ils sont là ! Ils arrivent !” Des exclamations provenant de la foule, et quelques soupirs de soulagement des membres de la cour, accueillir la nouvelle.
Agathe se recomposa et balaya ses idées sombres. Elle se tourna pour admirer la longue colonne de soldats qui venait de faire son apparition. Elle approchait d’un pas décidé, soulevant derrière elle un long panache de fumée et de sable. La princesse avait du mal à estimer combien de fantassins il y avait. Quelques centaines, pas plus d’un millier. Elle fut surprise par leur petit nombre. Peut-être Père avait-il dû laisser plus d’hommes que prévu en Orient pour vaincre les dernières résistances mahométanes ?
Encore quelques minutes et Agathe distingua les deux vingtaines de cavaliers qui précédaient la colonne. Elle reconnut certains grands seigneurs et ses frères Hugues le Sombre, Henri et Etienne.
Les princes Henri, Hugues le Sombre, Etienne et le duc Onfroy
Les deux premiers entretenaient une relation d’amour-haine. Physiquement très proches avec leurs cheveux d’un noir de jais et leur grande taille, ils étaient tout deux très religieux et passaient le plus clair de leur temps ensemble, Agathe ne fut donc par surpris de les voir chevaucher de concert. Mais leur caractère était des plus différents. Autant Hugues le Sombre était arrogant et impulsif, autant Henri était calme et tempéré. Leur rivalité s’était exacerbée lorsque Père leur avait confié à chacun un duché entre le Tigre et l’Euphrate pour compenser la réforme de la loi de succession qui avait fait de leur aîné, Jean, son seul et unique héritier.
Etienne aussi avait reçu des terres, mais plus au nord. Blond de cheveux, il se démarquait nettement de ses demi-frères desquels il n’était pas proche. C’était un homme calme et peu bavard et Agathe avait toujours eu le plus grand mal à le cerner. Il chevauchait un peu à l’écart, aux côtés de leur lointain cousin Onfroy. Agathe n’aimait guère ce dernier. Colérique et avare, il semblait incapable de prendre une décision par lui-même et suivait invariablement le plus fort.
Tous les yeux étaient néanmoins tournés vers l’homme en avant du cortège qu’un héraut vint bientôt annoncer : “Sa Majesté Impériale, Hugues le Glorieux, troisième du nom, empereur et roi de Jérusalem, souverain de Syrie et d’Egypte !”.
Monté sur un grand destrier blanc, l’homme le plus puissant de la Chrétienté s’avança lentement vers l’estrade des conseillers. Hugues le Glorieux n’était pas un bel homme, sa grande taille et sa maigreur le faisaient ressembler à un géant décharné. Ses traits, marqués par les ans, étaient des plus communs et ses cheveux coupés ras tranchaient avec la belle chevelure de nombre de grands seigneurs. Mais l’empereur de Jérusalem dégageait un charisme irrésistible.
“Messires, c’est une joie de revoir mes plus fidèles serviteurs après tant d’années.” Son ton énergique, sa voix chaude et son sourire plein de bonté étaient capables de convaincre n’importe quel auditoire, au point que les Grecs le surnommaient
Chryssiglossa, “Langue d’or". L’empereur eut un mot pour chaque membre du conseil puis salua les grands du royaume et même la délégation des bourgeois de la ville. Puis il se tourna vers la grande porte et, d’une voix forte, s’adressa à la foule :
“Mon coeur se réjouit de revoir enfin Notre Sainte et Belle Cité et son peuple fier.” Quelques acclamations accueillirent ses paroles. “Pour célébrer mon retour, mes gens distribueront des victuailles aux vêpres sur les grandes places de la ville et Jérusalem sera exemptée d’impôt jusqu’au jour du seigneur.” La foule explosa de joie tandis que l’intendant Guerech semblait sur le point de défaillir. La générosité du Glorieux était proverbiale, au grand dam de ceux qui occupaient la charge de trésorier.
Hugues III se dirigea ensuite vers la famille impériale. Tous s’inclinèrent respectueusement. Béatrice et Eve s’empressèrent de présenter leurs enfants qui semblèrent plaire à l’empereur. Les retrouvailles furent plus froides avec Isabelle.
“Où est donc ton nouveau fils Isabelle ?”
L’empereur ne faisait clairement pas référence à l’un des deux fils légitimes de sa fille, mais à son nouveau bâtard. Isabelle était blanche comme un linge, sa confiance en elle s’était évaporée et elle ressemblait désormais à une jeune fille prête à se faire gronder.
“Au… au palais, Père.
-J’attends à ce qu’il soit présent à l’audience”, dit sèchement Père. Isabelle s’inclina et disparue, laissant Agathe seule avec l’empereur.
“Ma fille ! Je suis si heureux de te revoir !” Son expression avait complètement changé, il souriait désormais à pleine dent et alla jusqu’à la prendre par les épaules.
“C’est également une grande joie Père, dit-elle tout en faisant une révérence.
-Je souhaite te voir à mes côtés alors que j’entrerai dans la ville.” Il fit un signe et l’un de ses écuyers mena un cheval jusqu’à la princesse. Celle-ci obéit à son père et, suivant son exemple, se hissa sur le dos de la bête. Elle allait se mettre au niveau de ses frères lorsque le Glorieux l’arrêta.
“Non, ma fille. Je veux te voir chevaucher à ma droite.” Agathe n’était pas la seule estomaquée par un tel honneur. Ses frères et soeurs la regardaient avec un mélange de surprise et de jalousie.
C’est ainsi que Hugues III et Agathe firent leur entrée à Jérusalem sous les vivats. De l’autre côté de la porte, la foule était bien plus compacte et des centaines d’habitants avaient envahi les rues étroites et les balcons pour apercevoir le cortège royal qui avait les plus grandes difficultés à progresser.
“J’ai été surpris de ne pas voir mon épouse.
-L’impératrice ne se sentait pas très bien, elle vous attend au palais.”
Une ombre passa un court instant sur le visage de l’empereur. Agathe savait que ce dernier était rongé par les soupçons depuis ses déconvenues avec ses deux premières épouses, bien qu’il n’avait en réalité que peu de soucis à se faire. La jeune belle-mère d’Agathe n’avait rien à voir avec des femmes de la stature de Marie Comnène ou Athanasia Bryennios. Réservée et isolée, elle passait le plus clair de son temps dans ses quartiers à prier ou tisser, laissant la direction du palais à Agathe.
“Bouchard est-il prêt ?
-Le patriarche vous attend au Saint-Sépulcre pour vous donner sa bénédiction.
-Je veux qu’il m’accompagne au palais, il doit assister au conseil.
-Vous voulez réunir le conseil après la cérémonie au palais ? s’étonna Agathe.
-Avant. Je dois discuter avec les conseillers des annonces que je ferai lors de l’audience.” Agathe était surprise et se demandait bien quelle affaire urgente pouvait obliger son père à repousser l’audience impériale.
“Je donnerai des ordres pour préparer la salle du conseil.” Elle se redressa sur sa selle. “Deux Grecs demandent audience, Père.
-Deux ? Un seul aurait suffit.
-Ils ne font pas partie d’une même délégation… Le plus important est sans nul doute Hippolyte Taronitès, le fils de Timothée Taronitès, le despote d’Arménie en charge de la diplomatie de Constantinople. Il vient tout droit du Grand Palais.
-Et qui représente-t-il cette fois ? soupira l’empereur. Est-ce un ambassadeur de la Fillette ? Ou bien est-elle déjà renversée ?
-La basilissa Hélène II règne toujours, et c’est bien elle qu’il représente.
Hélène Iere Comnène, Hélène II Palemonaitis et Dorothée Comnène
-Constantinople est devenue plus clémente envers les Palemonaitis, d’ordinaire ils ne tardent pas à être renversés sans mon soutien. Je n’ai parfois pas le temps de me rappeler de leur nom qu’ils ont déjà abdiqué.” Depuis la terrible défaite de Vanand contre les Mongols 24 ans auparavant et l’émergence de l’empire de Jérusalem comme nouvelle grande puissance en Orient, les Grecs étaient entrés dans une période de troubles, que certains érudits n’hésitaient pas à appeler “l’Anarchie Grecque”. Alors que Jérusalem avait toujours vécu dans l’ombre des Grecs, voilà que la situation s’était inversée et c’était maintenant vers elle que toutes les grandes familles romaines regardaient.
La défaite de Vanand contre les Mongols (1273) et l'Anarchie byzantine
“Qui est donc le deuxième ? Un représentant de ma brue Dorothée ? Si j’ai refusé de la soutenir dans ses revendications alors qu’elle m’envoyait Jean comme ambassadeur, mon propre fils et héritier, elle devrait savoir que je ne serais pas convaincu par un inconnu.
-Non, Père. Depuis que Jean est reparti, Dorothée n’a pas envoyé de nouveaux émissaires. Il s’agit du prince Narsès, l’ancien co-empereur, il représente Hélène Comnène, l’ancienne basilissa.”
Le visage du Glorieux sourit. “Hélène Ière s’accroche donc à son rêve de restauration. Les Comnènes sont décidément incorrigibles.” Sa mine s’assombrit. “Ils ont la traîtrise dans le sang, elle-même l’avait.”
L’empereur refusait de prononcer le nom de Mère, Marie Comnène dite la Jeune. Le souvenir glaçant de cette nuit où Agathe l’avait vu pour la dernière fois lui revint à la mémoire. Même après des années, des décennies, elle pouvait parfaitement se rappeler de la petite cellule et de sa mère amaigrie et brisée dont l’esprit avait sombré depuis longtemps dans la folie. L’ancienne reine de Jérusalem tenait dans ses bras Eunike, la demie-soeur d’Agathe. La princesse fit son possible pour écarter ce souvenir pour éviter de défaillir.
Marie Comnène la Jeune et Eunice
“Hélène a perdu son trône, elle doit s’en faire une raison, trancha froidement l’empereur. Mais je rencontrerai tout de même son envoyé. Dans mes appartements, avant le conseil.
-Ce sera fait, Père”, répondit Agathe qui essayait toujours de chasser ses souvenirs. “Et pour Hippolyte d’Arménie ?
-Je lui accorderai son audience… même si cela ne devrait guère le réjouir” continua l’empereur sur un ton énigmatique.
“Où est donc sieur Errard, Père ? C’est bien la première fois que je ne le vois pas à vos côtés.” Le comte Errard était un homme d’humbles origines qui, par ses prouesses sur les lices et les champs de bataille, avait été élevé à la chevalerie par le Glorieux. Cet homme taiseux et modeste avait mené les troupes de pères pendant des années et en avait été récompensé par un fief. C’était peut-être le seul véritable ami de Hugues III et il le suivait habituellement comme son ombre.
“Il se trouve à Tripoli, avec l’ost.” Percevant probablement la confusion sur le visage de sa fille, Il ajouta avec un sourire énigmatique : “J’aurais probablement encore besoin de mes bannerets, mais tu n’as pas besoin d’en savoir plus.”
Ils arrivèrent bientôt devant l’immense église du Saint-Sépulcre ou le patriarche les accueillit. Après une prière et la bénédiction, le cortège reprit le chemin du palais impérial. Construit sous Hugues Ier le Grand, le bâtiment était toujours aussi austère malgré les travaux entrepris par le roi Henri II le Couard et sa femme la reine Héliodora pour lui faire perdre cet aspect de forteresse.
L’empereur démonta puis salua l’impératrice qui l’attendait à la porte. Les retrouvailles se firent sans grandes effusions et tournèrent court. Hugues III s’empressa en effet de s’enfermer dans la salle du conseil pour s’entretenir avec ses conseillers et le patriarche, laissant l’organisation de l’audience impériale à Agathe. Celle-ci prépara la salle du trône, déployant les grandes bannières de la maison Montoire et de l’empire de Jérusalem et de grandes tapisseries dépeignant les moments marquant des règnes de Hugues Ier, de Henri Ier le Sage et de Henri III le Jeune. L’impératrice fut installée sur le trône à la droite de l’empereur, la famille impériale fut quant à elle placée sur les premières marches, tandis que les grands se voyaient attribuer des places d’honneur de part et d’autres de la grande salle.
Les membres du conseil finirent par arriver, la plupart d’entre eux arborant une mine préoccupée.
Son Père finit par faire son entrée, escortée par plusieurs membres de la garde impériale. Il s’était changé, arborant de magnifiques habits et une cape retenue par des fils d’or. Sur sa tête, il avait placé la lourde couronne impériale qui n’était sortie que pour les grandes occasions. Il s’assit sur le trône imposant surmonté de la fleur de lys et de la croix de Jérusalem. Le patriarche Bouchard se plaça debout à la gauche de l’empereur.
“Peuple de Jérusalem ! La voix du Glorieux portait dans la vaste salle silencieuse. Notre Seigneur, dans son infinie bonté, nous a octroyé une nouvelle victoire sur les Infidèles. J’ai appris il y a peu la chute des dernières places mahométane en Mésopotamie. La reddition totale de nos ennemis ne saurait tarder.” Des acclamations répondirent à cette nouvelle. L'empereur attendit que le calme revienne pour reprendre. “Respectueux des droits et coutumes établies par mon ancêtre Hugues le Grand, je refuse de garder par devers-moi ces nouvelles terres et je vais donc procéder à la remise des fiefs.”
Il appela plusieurs chevaliers ayant participé à ses campagnes et leur remit châteaux et baronnies. Tous lui prêtèrent hommage selon l’antique coutume d’au-delà des mers. Puis vint le tour du comté de Koufa, un fief d’envergure prisé par de nombreux courtisans.
“Qu’on m’amène Aubry de Montoire.” Une rumeur s’éleva dans la pièce. Complètement déboussolée, Isabelle s’approcha de Père, son nouveau-né dans les bras. Elle semblait avoir peur qu’il ne le dévore, mais l’empereur se contenta de poser sa main sur le front du bébé : “Voici le nouveau comte de Koufa.”
Aubry de Montoire, comte de Koufa
Les murmures redoublèrent. La remise d’un fief à un nouveau-né, bâtard qui plus est, ne semblait pas passer auprès des nobles qui n’avaient pas été choisis. D’un geste, l’empereur imposa le silence et sa volonté.
Isabelle s’effondra en larmes et s’apprêtait à remercier le Glorieux lorsque ce dernier coupa court à ses effusions : “Aubry aura besoin du soutien de sa mère qui veillera sur ses terres. Isabelle partira dès ce soir pour l’Orient.”
Isabelle, semblait complètement perdue : “Et… et mes autres enfants ?
-Les enfants d’Etienne resteront à Jérusalem où ils recevront une éducation digne de leur rang… l’autre rentrera dans les ordres. Plus bas, et d’une voix glaciale, Père ajouta : Le sang maudit de ta mère coule dans tes veines, et je suis désormais sûr que tu n’as pas une goutte du mien. Je ne veux plus jamais te revoir ici. Tu n’as jamais été ma fille, tu n’es plus une princesse.”
Choquée et vidée de ses forces, Isabelle ne réagit pas. Elle dut presque être traînée en dehors de la salle. Le cœur d’Agathe se serra lorsqu’elle la porte se referma sur elle.
Mais la cérémonie d’investiture n’était pas terminée. Le patriarche Bouchard s’avança accompagné d’un diacre portant une lourde boîte en bois. “Sa Majesté impériale, tel Alexandre le Grand, s’est rendu dans le Pays de Noé pour abattre les légions de Gog et Magog. Il a fait sienne les terres des anciens rois de Babylone.” Un écuyer s’approcha et enleva la couronne impériale de la tête de l’empereur qui s’agenouilla devant le patriarche qui reprit. “À travers lui, la volonté de Dieu s’est accomplie, aussi recevra-t-il la couronne de l’Antique royaume de Mésopotamie.”
Le diacre ouvrit la petite boîte et Bouchard en sortit une couronne d’or magnifiquement ouvragée. Puis il la plaça sur la tête du souverain avant de le bénir une nouvelle fois. “Relevez-vous, Hugues, premier roi de Mésopotamie.” L’empereur s’exécuta sous les vivats de l’assistance.
“Trois couronnes ornent déjà ma tête. Une quatrième ne ferait que l’alourdir inutilement.” Il se tourna vers les princes. “Hugues, agenouille-toi devant ton empereur.”
Hugues le Sombre était aussi surpris que l’assistance. Plein d’arrogance et de fierté, il se dirigea d’un pas sûr jusqu’à son père et mit un genou à terre. Le Glorieux déposa la couronne sur la tête de son fils avant de prononcer les paroles consacrées : “Relève-toi, Hugues, deuxième roi de Mésopotamie”.
Hugues le Sombre reçoit la Mésopotamie
L’ensemble de la cour acclama le nouveau souverain, puis on fit venir l’épouse de Hugues, Catherine.
En élevant cette ivrogne au rang de reine, Père et Dieu me mettent décidément à l'épreuve, pensa Agathe. Le couple fut bénit par le patriarche Bouchard puis prit place sur un trône à la gauche de l’empereur. Ils reçurent les hommages de leurs nouveaux vassaux, dont Henri qui avait tout le mal du monde à dissimuler sa jalousie et sa déception.
La reine Catherine, le patriarche Bouchard, le roi Hugues II le Sombre et le royaume de Mésopotamie.
La grande cérémonie n’était néanmoins pas terminée. Le Glorieux tint audience pendant ce qui parut des heures, réglant un à un divers conflits des grands personnages de l’empire. Comme à chaque fois qu’il ne traitait pas avec un membre de sa famille, l’empereur se montra particulièrement charmant et convaincant, parvenant à trouver les mots et les compromis justes pour mettre fin aux conflits les plus retors.
Agathe se demandait néanmoins si son Père ne jouait pas un tour à Hippolyte Taronitès, l’ambassadeur grec. Ce dernier se montrait de plus en plus impatient et nerveux. Accorder la priorité aux dettes de petits barons égyptiens était clairement une offense faite au représentant de l’impératrice.
Lorsque le dernier requérant eut quitté la salle, Taronitès fut enfin appelé. L’ambassadeur cacha admirablement bien son déplaisir et s’avança face au trône. Il s’agenouilla à la mode franque puis, dans un français d’Outremer hésitant, déclama un discours probablement répété maintes fois : “Sa Majesté la basilissa Hélène tient à féliciter le grand roi Hugues qui a mené Notre Foi à une nouvelle victoire contre les Infidèles. Elle lui fait grâce d’habits de pourpre et d’une relique de saint Siméon en guise d’éternelle amitié.” L’ambassadeur fit un grand geste théâtral alors que deux de ses serviteurs présentaient les cadeaux impériaux. “La basilissa espère que Jérusalem renouera l’Antique Alliance avec l’Empire des Romains.”
Le discours n’eut probablement pas le succès escompté. La salle fut soudainement plongée dans un grand silence, et l’ambassadeur parut bientôt gêné devant le mutisme du Glorieux. Ce dernier finit néanmoins par faire un signe à l’eunuque qui transportait le grand pan de tissu pourpre. Il s’en empara délicatement et sembla l’examiner attentivement. Sans relever la tête, l’empereur répondit d’une voix douce : “Vous pouvez remercier votre impératrice pour ce présent.” Il leva subitement les yeux, et fixa le jeune homme. “Vous êtes le fils du despote Timothée Taronitès ?”
Agathe savait que son père parlait parfaitement le Grec, mais il usait délibérément du français, forçant l’ambassadeur à recourir à la traduction d’un de ses eunuques.
“Oui, répondit simplement le jeune homme.
-Il aurait été plaisant de voir paraître un personnage de son statut à la cour d’un empereur.” Père avait insisté avec force sur le dernier terme et elle entendit l’eunuque murmuré basileus à l’oreille de son maître. Le visage de ce dernier se décomposa. Il ne savait manifestement pas comment réagir face à une telle insulte envers ses compétences et son statut. Le dernier terme était également une invitation à reconnaître le Glorieux comme un égal de la basilissa. Mais pour un Grec, il s’agissait surtout de la rabaisser au niveau d’un souverain franc.
“Je suis sûr que votre père aurait fait merveille. Un homme aussi intelligent et respectueux du protocole, se serait prosterné devant l’empereur, car telle est la coutume chez les Grecs.” L’eunuque traduisait, Agathe entendit clairement le mot proskynesis. Hippolyte Taronitès était clairement à deux doigts d’exploser de colère. L’empereur attaquait la romanité de son empire, une ligne rouge qui ne devait normalement pas être franchie.
Le Glorieux détendit néanmoins l’atmosphère en affichant un grand sourire : “Soit ! Votre père est probablement très occupé, je le conçois tout à fait. Je suis tout à fait disposé à renouveler l’alliance entre Constantinople et Jérusalem. J’ai quantité de petit-fils. Qu’elle en choisisse un. Même si je lui proposerais bien le prince Jean, le fils aîné de mon héritier. Il a sensiblement le même âge qu’elle et vit dans son empire depuis sa naissance. Il est de plus l’arrière petit-fils d’un basileus. Quel meilleur moyen de réconcilier les descendants des deux sœurs de l’empereur Pantaleon, sinon par un mariage entre leurs petits-enfants ?”
L’ambassadeur était particulièrement gêné : “La basilissa est déjà promise à Valère Monomachos.
-Ce doit être un puissant seigneur pour que cette union mette en péril une alliance entre nos deux empires.”
Le Grec semblait de plus en plus mal à l’aise : “L’amour est parfois… mystérieux.” Manifestement, même l’ambassadeur y voyait une mésalliance.
“L’amour est affaire de troubadours. Le devoir celle des souverains. La voix de l’empereur s’était faite plus dure. Les Palemonaitis n’auraient-ils pas appris cela des Comnènes au moment de leur ravir leur trône ?
-La basilissa est une Comnène ! La descendante directe du basileus Manuel IV !
-Par les femmes”, le coupa l’empereur. La tension était désormais insupportable, même les gardes impériaux se mirent en position, comme si l’ambassadeur allait se jeter sur le Glorieux.
Ce dernier désarçonna à nouveau son interlocuteur en adoptant une nouvelle fois un ton amical : “Qu’importe. Je ne suis pas un chroniqueur, et je ne maîtrise pas toutes les subtilités des droits successoraux de mes voisins. Cela ne m’empêchera pas de renouer mon alliance avec Hélène II. Je me contenterai donc de demander que l’impératrice et le patriarche de Constantinople reconnaissent l’autorité de notre Saint Père Alexandre IV.
-J’en ai assez entendu !” Hippolyte Taronitès finit par exploser, s’en était manifestement trop pour lui.” L’Empire des Romains ne se prostituera pas et ne perdra pas son âme pour gagner les faveurs d’un barbare hérétique !”
Le drogman de l'empereur s’empressa de traduire les propos de l’ambassadeur, provoquant une véritable vague d’indignation dans l’assistance. Plusieurs gardes faillirent intervenir et arrêter Hippolyte, mais l’empereur les retint : “Aucun émissaire ne sera jamais molesté sur mes terres. Mais vous n'êtes plus le bienvenue ici, Hippolyte Taronitès. Rentrez chez votre maîtresse, et dites-lui bien que les descendants des Croisés de Dieu ne souffriront pas de telles insultes.”
Lorsque l’ambassadeur sortit, l’empereur se leva et s’adressa aux grands seigneurs : “Grands Seigneurs de Terre Sainte ! Vos ancêtres ont traversé les mers aux côtés de mon illustre ancêtre Hugues le Grand ! Ils ont versé leur sang pour libérer le tombeau du Christ des Infidèles ! Qu’ont fait les Grecs efféminés malgré leurs promesses de les aider ? Rien ! Alors que nos aïeux mourraient sous les murs de la Ville Sainte, les Grecs s’entredéchiraient et s’emparaient du Sinaï ! Nous ont-ils aidés lorsque nous mettions à bas la puissance fatimide et reprenions les rives du Nil ?
-Non ! s’exclamèrent les barons comme un seul homme.
-Nous ont-ils apporté leur soutien lors de nos luttes contre les Seldjoukides ? Lorsque nous reprenions la Syrie ?
-Non !
-Vinrent-ils nous épauler lors des guerres yéménites contre le sultan Aram, le fils de l’Antéchrist ?
-Non !
-Lorsque le Fléau de Dieu, la Grande Khatoun Gulçiçek, surgit des plaines mongoles pour mettre à sac Constantinople, qui vint les sauver ?
-Nous !
-Et comment récompensent-ils notre sacrifice ? Par des insultes ! Ces souverains dépravés et meurtriers, qui n’hésitent pas à faire couler le sang de leur propre famille ! Ils conspuent notre Saint Père ! Ils se disent fidèles du Christ, mais ils sont ceux de Juda ! Ils ne rêvent que d’une chose, reprendre le tombeau du Christ pour le revendre 30 deniers !”
Alors que la grande salle était désormais en ébullition, Agathe replaçait les pièces du puzzle. Le peu d'hommes accompagnant Père, l’ost à Tripoli, la rencontre secrète avec l’envoyé de Hélène Iere, la réunion du conseil, les insultes à Hippolyte…
“Dès demain, avec l’ensemble de la cour et Sa Sainteté Bouchard, nous partiront rejoindre l’ost à Tripoli. Nous allons mettre nos pas dans celui de nos pères. Nous allons reprendre la Croix. Messeigneurs ! Hier, nous avons triomphé des Infidèles ! Demain, nous remettront dans le droit chemin les Schismatiques égarés !”
Agathe en était désormais persuadée : le Glorieux avait tout prévu…