Re: Réponse d'un spécialiste breton (+ breton que spécialiste...)
Originally posted by Pero Coveilha
o Bon tout le monde va s'apercevoir que le spécialiste est un peu frelaté, mais bon)
C'est tout à fait vrai que le breton tel qu'il s'écrit (et se parle dans certains milieux) est lui-même frelaté (pour reprendre l'expression). A ma connaissance, il n'est pas exact qu'il s'inspire du français, mais plsu de cequi a déjà été fait dans d'autres langues celtiques plus "littéraires" (gaëlique, je crois).
De toute façon, je peux dire n'importe quoi, Erwan me corrigera (un spécialiste pur jus, lui).
Bon, entrons donc dans l'histoire très complquée
du breton moderne.
Le breton traditionnel est divisé en quatre dialecte (tregor, leon, cornouaille et vannetais), le vannetais étant assez différent des autres (en gros la distance danois-suédois). Le dialecte dominant a toujours été (avec un bémol à Vannes) celui du Leon (essentiellement à cause de la domination TOTALE du clergé dans la dite région, ce qui fait que ce dialecte était utilisé pour les ouvrages pieux). C'était aussi le plus conservateur linguistiquement.
Jusqu'en 1920, environ, la littérature bretonne était dominé par des "bondieuseries" (vie des saints etc) avec quelques essais de littérature profane écrits dans le dialecte de l'auteur en suivant les normes orthographiques éclessiales plus ou moins adaptés (grosso modo, les française en plus régulier).
Puis vinrent les nationalistes en général et Rorparzh Hemon en particulier. Trés peu nombreux et trés peu influents, ils se sont lancés dans une réforme de la langue afin de lui donner les capacité d'une langue moderne. Ce boulot fut surtout celui de Rorparzh Hemon et de sa revue Gwalarn (ultra-confidentielle à l'époque). Le dialecte de référence était celui du léon (là, ça change pas), le problème, c'est que notre homme était a) francophone de naissance, b) très élitiste et trés nationaliste (et pas seulement en linguistique
) il s'est donc attaché à éliminer tout ce qui ressemblait à un emprunt français et inventé une masse de néologisme plus ou moins savants pour combler les trous (plus quelques emprunnts au gallois). Il a également crée l'orthographe moderne (reprennant le dialecte du léon mais avec le fameux zh pour autoriser une prononciation vannetaise). L'homme était trés productif et c'est lui qui a jeté la base des dictionnaires modernes depuis son exil irlandais (exil dû à des fréquentations TRES douteuses pendant la guerre
)
Cela reste trés marginal en gros jusqu'en 1970 et suite. A cette époque, le mouvement breton vire à gauche (et même trés à gauche parfois) et la culture bretonne moderne commence à prendre (tri yann, servat, stivell). Un nombre croissant de perssonne commence à apprendre la langue, en utilisant les outils qui existait, c'est à dire celui de la tradition littéraire. Cependant, l'élitisme étant passé de mode, on a commencé à se tourner vers le peuple et à dé-purifier la langue (en remettant les tournures rurales que les nationalistes des années 30 trouvaient ploucs, en ne faisant plus de franco-phobie systèmatique etc..) Maintenant, ça a pris du temps et ça n'a pas abouti à une refusion, tout simplement parce que les dialectes et la langue littéraire n'appartiennent pas au même monde (ruralité archaique dans un cas, modernité urbaine dans l'autre) et ne servent pas dans les mêmes circonstances.
Actuellement, la langue littéraire, utilisée par les neo-bretonnant à les caractéristiques suivantes :
- c'est le dialecte du leon (et donc les autres régions le trouve "bizarre")
- la grammaire est la même que la langue paysanne du léon (archaique, rappelons-le)
- les variations dialectales sont en fait surtout individuelles (moi j'aime bien donner un petit côté vannetais, tout en faisant cornouiaillais pour les verbes irréguliers (c'est plus simple))
- le vocabulaire est plus proche de la langue traditionnelle (finnie la chasse au français) mais a bcp de néologisme dans le vocabulaire moderne (ordinateur, télévision etc..) ce qui est assez logique alors que les bretonnants traditionnels utiliseront le mot français
- la prononciation est très francisée (perte de l'accent tonique, réduction de certaines voyelles). C'est involontaire mais semble "bizarre" aux traditionnels. Ceci dit, le breton traditionnel était également trés influencé par le français.
- la syntaxe a subi une certaine influence française, mais ça reste limité (surtout dans l'usage de certains temps).
En gros la différence entre les deux bretons est la même qu'entre le français scolaire et le dialecte Auguste Picard de la Motte-Beuvron (ou l'anglais BBC et le cockney) avec les mêmes connotations sociales. Par ailleurs, c'est la version moderne qui va se maintenir, car c'est elle qui est transmise par les écoles et les cours (ainsi que les familles néo-bretonnantes), les autres vont s'éteindre d'ici à 2020 - 2030.
Pour ce qui est de militants nantais, c'est logique et normal. la diffusion de la culture bretonne moderne ne s'est pas faite à partir de la paysannerie (qui, encadrée par l'église au départ, s'est surtout occupé de faire du productivisme à outrance) mais à partir des milieux étudiants et intellectuels (qui deviendront aprés la moyenne bourgeoisie urbaine - les étudiants ça vieillit) aprés les années 70. Son explosion en tant que symbole de la Bretagne date du début des années 90, lorsqu'aprés la période de préparation des années 70 (intense, mais peu profonde), elle a été accepté par l'ensemble de la société bretonne comme des symboles d'un particularisme revendiqué. Les liens avec le monde paysans (et les anciennes distinctions de pays) restent important symboliquement et en tant que sources d'inspiration pour les artistes, mais disparait de fait pour les masses urbaines. La paysannerie est, elle, largement spectatrice et ne comprend pas trop ce qui se passe. Par ailleurs, la diffusion de cette culture, sur un mode festif, et autour des deux centres symboliques que sont Diwan et le Festival de Lorient (pour simplifier) aboutisse une recomposition identitaire de la population bretonne depuis les années 90 autour des thèmes de la celtitude qui tend désormais à devenir la norme et à effacer progressivement les anciennes références (y compris à la France). Et pour ceux qui croient que tous ça n'est pas trés sérieux, je suggère de jeter un coup d'oeil à ceci
http://www.csa-tmo.fr/fra/dataset/data2K/ventilation/ventil20000905a_3.htm
A titre de comparaison, en Corse, on a ça
http://www.csa-tmo.fr/fra/dataset/data2K/ventilation/ventil20000809a_7.htm
Par ailleurs, le pourcentage de ceux qui se dise "bretons d'abord" est passé de 22% en 1991 à 42% en 2000, et il semble que l'augmentation soit surtout due aux jeunes