Accès aux archives : une loi controversée en préparation

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Marshall Ombre
Feb 13, 2000
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Des historiens dénoncent un projet de loi visant à limiter l'accès aux archives
LE MONDE | 16.04.08 | 17h21 • Mis à jour le 16.04.08 | 19h19

La colère est montée vite et fort. Adopté dans l'indifférence par le Sénat, le 8 janvier, le projet de loi relatif aux archives, qui sera examiné par les députés à partir du 29 avril, suscite une vague de protestation. Ainsi, initiée le 12 avril par l'Association des usagers du service public des archives nationales (Auspan), une pétition visant à dénoncer le projet de loi a recueilli, en trois jours, 500 signatures d'historiens et chercheurs.

La fronde excède largement les seuls milieux académiques : tandis que le Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire (CVUH) dénonce un projet qui "aggrave les conditions actuelles d'accès aux archives et porte atteinte aux droits des citoyens", la Ligue des droits de l'homme s'inquiète de la menace qui pèserait sur "l'instrument de connaissance et de mémoire partagée que représentent les archives publiques dans une démocratie".

La révolte paraît à la mesure des attentes déçues. A l'origine, le projet du ministère de la culture se présentait comme un texte d'ouverture, visant à libéraliser la grande loi du 3 janvier 1979 en permettant aux citoyens d'"accéder avec plus de facilité aux sources de leur histoire". Ainsi, le délai de trente ans, jusqu'ici préalable à toute consultation d'archive publique, était remplacé par le principe de la "libre communicabilité".

Quant aux cinq régimes d'exception, qui s'échelonnaient de soixante à cent cinquante ans, suivant qu'ils mettaient en cause la vie privée, la sûreté de l'Etat, les affaires judiciaires, les données médicales ou patrimoniales, ils n'étaient plus que trois : vingt-cinq, cinquante et cent ans. Dans toutes les catégories, les délais se trouvaient raccourcis. Certes, une nouvelle catégorie d'archives "incommunicables" était créée, portant sur les armes de destruction massive et la protection des agents secrets. Mais l'équilibre général représentait un réel progrès aux yeux des chercheurs.

LA PRESSION DES NOTAIRES

Or le Sénat, contre l'avis du gouvernement, a transformé le texte de façon très significative. Il a d'abord réduit la portée de certaines mesures (sur les actes notariés, les archives des juridictions et les registres de mariage), notamment sous la pression des notaires.

Bien plus : il a durci quelques aspects du régime existant. Ainsi, au nom de l'allongement de l'espérance de vie, le texte voté par les sénateurs fait passer de soixante à soixante-quinze ans le délai de consultation pour les "documents dont la communication porte atteinte à la vie privée". Une exigence fondamentale des citoyens, insiste René Garrec, rapporteur (UMP) du texte au Sénat.

Un prétexte fallacieux, rétorque Sonia Combe, membre du CVUH et auteur d'un livre intitulé Archives interdites (Albin Michel, 1994) : "En 1996, le rapport du conseiller d'Etat Guy Braibant avait souligné cette utilisation abusive de la notion de "vie privée", dès lors qu'elle est étendue aux agissements des fonctionnaires d'Etat. En France, on maintient fermées les archives des camps d'internement qui existaient sous l'Occupation au nom de la protection de la vie privée des gardiens... La législation allemande est beaucoup plus claire : pour elle, la vie privée ne peut pas concerner les actes commis sous l'uniforme ou dans l'exercice de telle ou telle fonction."

A l'instar de Sonia Combe, nombreux sont les historiens qui considèrent le texte du Sénat comme une immense régression : "Avec une telle loi, Benjamin Stora n'aurait pas pu réaliser ses travaux sur la guerre d'Algérie, déplore Denis Peschanski. Idem pour nous, historiens de la seconde guerre mondiale. On ne peut pas nous faire la leçon sur le devoir de mémoire et empêcher le citoyen d'avoir accès aux archives. Par exemple, les politiques souhaitent qu'on rende compte de ce qu'ont vécu les harkis. Si on recule les limites d'accès aux documents, comment faire cette histoire-là ?"

"ON EST DES GENS BIEN"

Si le texte du Sénat devait être voté en l'état par les députés, notent les détracteurs du projet, certaines archives concernant la guerre d'Algérie ne seraient disponibles que soixante-quinze ans après la fin du conflit, soit en 2037. Surtout, ces restrictions refléteraient la suspicion que l'Etat français continue de faire peser sur les chercheurs : "On est des gens bien, quand on nous connaît, ironise l'historienne Anne Simonin. En France, il y a une vision très fantasmatique du secret d'Etat, comme si on allait aux archives pour attenter à la mémoire officielle. Mais en dix ans, il n'y a pas eu une seule action intentée par le ministère de la justice pour usage abusif. Qu'on en finisse avec cette vision négative du citoyen ! Il faut espérer que l'Assemblée nationale réagisse..."

Il se pourrait qu'Anne Simonin et ses amis aient été entendus : la commission des lois de l'Assemblée a adopté une série d'amendements qui, s'ils étaient confirmés en séance, reviendraient sur certains des éléments les plus controversés votés par les sénateurs. Pour les documents relatifs à la "vie privée", le délai de communication serait de nouveau ramené à cinquante ans. Parmi les arguments utilisés par la commission, on lit celui-ci : "Le maintien du secret pendant une trop longue période, loin de protéger l'action de l'Etat, paraît plutôt de nature à favoriser les fantasmes de toutes sortes sur l'histoire récente et les théories du complot."
Jean Birnbaum et Nathaniel Herzberg
Article paru dans l'édition du 17.04.08.


www.parlements.org pour signer la pétition...
 
Quand on connaît le nombre de permissions, dérogations, autorisations, salamalecs et autres heures d'ouvertures ésotériques pour avoir accès aux archives françaises, c'est vraiment le comble. (j'ai du demander une permission pour consulter des documents - en bon état - datant de 1756...) :mad:
 
Et encore Oex* est gâté il travaille sur de vieilles archives:D Moi qui suis sur l'après-guerre, ça aurait été drôle si la mesure avait été entérinée... Mais apparemment nos chers élus font machine arrière (enfin je pense qu'il s'agit surtotu d'élus différents : une minorité a pondu ça pour des raisons citées dans l'article, et la majorité rapplique avec un peu plus de raison).

Encore une "réforme" qui ressemble beaucoup à une régression


*Tiens d'ailleurs, quelles sont les règles de communicabilité au Canada et dans les autres pays que tu connais sur le sujet (GB et USA au moins)?
 
Comme tu le dis, je suis gâté. Je n'ose imaginer ce que doivent subir ceux qui travaillent sur des sujets plus récents - et plus sensibles.

Dans les pays où j'ai travaillé, la communicabilité ou même seulement l'accessibilité des archives a *toujours* été beaucoup, beaucoup plus facile qu'en France - qu'à Paris et à Aix, devrais-je dire. Cela vaut pour les heures d'ouvertures des dépôts d'archives (jusqu'à 23h au Canada, jusqu'à 21 h au Québec), les conditions d'accès (pas d'entrevues, pas de nécessité d'étude de dossier qui prennent des semaines (Orsay) avec réponse par poste uniquement), les délais de communicabilité (quelques *minutes* en GB). Quand il y a des problèmes, c'est que - par nature - les dépôts des É-U et du Canada, par exemple, sont aussi dépositaires d'archives d'autres pays (France, GB) et doivent parfois leur acheminer nos demandes de consultation.

La grande force de la France face aux É-U, ce sont ses conditions de reproduction de documents, puisque beaucoup d'entre eux sont publics. Bien des documents - du moins pour ma période - sont désormais entre les mains d'organismes privés aux É-U. Donc, pas de photos, coûts de reproduction prohibitifs, etc. En France, ça demeure abordable (mais qu'est-ce que c'est LENT!).

Encore une fois, c'est mon expérience de chercheur sur l'Ancien Régime. C'est peut-être tout à fait différent quand vient le temps d'aborder les trucs sur la Seconde Guerre mondiale dans ces pays respectifs.

EDIT: Je viens de me rendre compte que tu voulais sans doute parler du régime juridique en vigueur - que je peux avoir le luxe d'ignorer la plupart du temps. Au Canada, je sais qu'on peut communiquer sans restriction les dossiers personnels dix ans après la mort ou le licenciement. Il existe en outre une «Loi d'accès à l'information», très large, qui permet d'avoir accès à des dossiers pour du personnel politique encore en activité (sur le gouvernement actuel, par exemple), mais évidemment, la procédure est plus complexe. Assez rapide, cependant, pour que les médias en fassent régulièrement usage.
 
Last edited:
Je suis tout entier avec vous, les historiens! L'accès au savoir ne doit aucunement être restreint, sitôt qu'une période acceptable (de l'ordre de 10 à 25 ans) est passée pour digérer le tout. Et si les archives contiennent des documents compromettants, tant pis pour les incriminés!
 
Il a d'abord réduit la portée de certaines mesures (sur les actes notariés, les archives des juridictions et les registres de mariage), notamment sous la pression des notaires.

Quel est l'intérêt des notaires ?
 
JP said:
Quel est l'intérêt des notaires ?
Ils sont payés pour conserver à l'abri du regard ??????????
 
y a du neuf sur le sujet ?