Chapitre 5: 1440-1450
La réputation des guerriers autrichiens n'était plus à faire, Joseph Ier pensait beaucoup à de nouvelles guerres. La création d'une grande armée permanente n'avait été possible que grâce aux gigantesques revenus miniers. Elle coûtait fort cher, l'Empereur entendait l'utiliser à sa juste valeur. La gloire s'estompe au fil des années, il faut batailler derechef pour rester au firmament.
Les occasions étaient malheureusement de part trop rares. Les Habsbourgs maintenaient une immense toile de contacts diplomatiques, rien que les mariages dynastiques se comptaient au nombre de 28, aucun de ces pays ne pouvait être attaqué. La seule cible juteuse semblait être Aquileia, avec qui il restait des comptes à régler et qui était en proie à de nombreuses révoltes. En tant que membre de l'Empire, cet évêché jouissait d'une protection particulière, que l'Empereur lui-même la brise serait mal vu et compromettrait la prochaine élection impériale. Un évènement parfaitement imprévu facilita pourtant la chose de manière conséquente.
Des cardinaux du Krain et de Carinthie avaient accédé à l'honneur suprême de conseillers du Pape. Leur influence était grande car leurs coeurs étaient purs. Leur loyauté envers l'Empereur n'était pas sujette à question, Joseph Ier pouvait compter sur eux. Une excommunication d'Aquileia semblait possible pour 1443.
Les préparatifs pour une guerre commencèrent dès juin 1441 avec la création d'un nouveau corps d'armée de 10 000 hommes. Le baron Samartán, empli de connaissances grâce à son âge vénérable, en prit le commandement. Bien plus à l'Ouest, un autre pays combattait nos ennemis. La Castille avait déclaré la guerre à la France pour une sombre histoire de dettes. Joseph proposa immédiatement une alliance militaire aux Ibères, persuadé de tenir là le début d'une grande ligue contre les Francs. La Reine Juana Ière accepta cette offre tentante, bien qu'en raison des traités de paix signés il y a peu avec la France, l'assistance militaire ne s'appliquat pas encore à cette guerre-ci.
Joseph s'était retiré en Bade pour y couler des journées agréables. Les vignes égayant le Nord du pays et les longues chasses en Forêt Noire le passionaient au plus haut point, parfois même plus que les affaires d'état ... Lors d'une chasse au sanglier, son cheval dérapa sur un flanc de colline très dangereux. Une pierre acérée l'énucla, le reste de son corps avait également gravement souffert. Il mourrut au nouveau château de Baden-Baden.
Son fils Franz fut rappelé d'urgence de Rome par le chancelier Johnas von Kulheim. Quelques semaines plus tard, il fut intronisé comme archiduc d'Autriche, puis comme nouvel Saint-Empereur. Ce jeune homme chétif mais alerte avait le goût des études et du travail bien fait, il saurait mener l'Autriche. La première preuve de son sens aigu de la politique fut l'unification définitive du margravat de Bade et de l'archiduché d'Autriche. Sa décision fut bien acceptée par les nobles du Bade. Cette unification fut confirmée lors de la réunion des membres de l'Empire à l'occasion du couronnement de Franz Ier.
Son éducation à Rome l'avait fait connaitre les Fugger, une richissime famille de banquiers aux méthodes efficaces. Les liens d'amitié qui les unissait et la grande confiance qu'ils se portaient conduisit à une coopération fructueuse. Jakob Fugger avait toujours un crédit aux taux appétissants de prêt quand des gouverneurs en avaient besoin. Ses méthodes de contrôle très strictes du travail de ses différentes filiales inspirèrent l'Empereur pour les réformes de sa propre administration.
Franz prévoyait de poursuivre les plans de son père en ce qui concernait une guerre contre Aquileia. Malheureusement les cardinaux autrichiens perdirent de l'influence auprès du Pape, ce qui força le jeune Empereur à attaquer sans grande excuse l'évêché. Sa hâte d'en découdre et de prouver sa valeur eut pour conséquence de lui faire perdre quelques sympathies dans le Saint-Empire. Néanmoins, l'occasion était l'on ne peut plus belle. Aquileia était en guerre depuis plusieurs années avec Milan, l'Empire Byzantin, l'Empire Ottoman, et mains autres alliés mineurs. Venise était dans la même situation, elle qui pensait pouvoir protéger sa voisine. Le seul grand inconvénient était la défection de la Castille, elle-même bien trop occupée par l'immense guerre contre la France qui faisait toujours rage dans les Pyrénées. Cette alliance fut de bien courte durée ...
Il ne fallut que quelques jours avant que la majorité du pays dalmate soit envahit par les armées autrichiennes. Cette guerre n'était pas de celle qui apportaient beaucoup de gloires, mais les richesses conquises compensaient allègrement ce manque. Les nobles autrichiens sous l'influence du vicomte Ahecio tentèrent bien de faire pression pour que l'administration impériale perdit de son pouvoir à leur profit; las! Ils ne savaient pas que Franz n'avait pas peur d'eux, ses caisses étaient remplies jusqu'a ras-bord et son armée lui était fidèle, pourquoi aurait-il été partisan d'une décentralisation? Il préféra déléguer une partie de son pouvoir à Anton Frantsits, un officier bien éduqué qui s'efforça de rappeller à toutes et à tous les traditions des armées autrichiennes, la consolidant ainsi d'une manière bien fructueuse.
Franz avait mené la campagne à bien avec une célérité tout à fait remarquable. Il engagea des pourparlers avec le patriarche d'Aquilea en main 1445, tous atouts en main. L'ensemble de l'évêché était occupé, aucune armée aquiléenne ne subsistait, la défaite était totale. Les provinces de Görz et d'Istrie changèrent de main, les prétentions aquiléennes sur le Krain furent abandonnées. Seul le Frioul restait sous contrôle d'Aquileia.
La mise au pas de Venise prenait un peu plus de temps, notamment à cause de la guerre de la Sérénissime contre Milan, qui avait vu les Lombards perdre une bonne partie de leurs villes. Trévise était assiégée par Franz Ier en personne, lorsque l'évêché d'Utrecht appella l'Empereur à l'aide, attaqué qu'il était par les Pays-Bas.
L'Autriche accorda son soutien pour ce combat injuste et pressa le pas en Italie, pour libérer au plus tôt les armées. Avant même que celà puisse être fait, la ville de Lüneburg envoya également quérir l'aide de Franz au sujet d'une agression danoise. La mort dans l'âme, Franz reconnut qu'il ne pouvait pas mener trois guerres en même temps et que Lüneburg serait probablement mise à feu et à sang avant qu'il puisse intervenir. Il refusa donc d'entrer en guerre, provoquant un grand scandale dans l'Empire. Les fidèles électeurs de Cologne, Trèves et Mayence étaient allées jusqu'a préférer le prince du Palatinat pour la prochaine élection. Il fallait agir pour sauver ce qui pouvait encore l'être.
Trévise tomba en février 1446 après un assaut sanglant, Venise fut convaincue rapidement de signer une paix cédant cette ville à l'Autriche, car déjà des rescapés des galères menaçaient la ville alors que l'armée était en campagne en Italie Centrale. Les armées impériales marchèrent aussi vite que possible vers Utrecht.
Franz craignait énormément pour sa réputation. Les mercenaires au service des Pays-Bas n'étaient pas des amateurs, ses propres armées étaient affaiblies et auraient bien apprécié quelques mois de quartiers d'hiver pour se refaire une santé. La marche à travers les Alpes, les sombres forêts badoises et les hostiles contrées françaises qui faisaient encore partie de l'Empire laissèrent des traces ineffaçables. Fouettant les trainards comme un possédé et refusant toute pause à ses hommes, Franz ne fut bientôt plus que l'ombre de lui-même. Une fièvre chaude le frappa près de Trèves, il sombra dans la folie avant de mourir peu après.
C'était bien le pire moment pour mourir! Son fils Matthias n'avait que onze ans et ne pouvait aspirer à la couronne. Les électeurs étaient aigris et n'accepteraient sûrement pas de laisser la couronne impériale vacante en faveur de l'Autriche. Un conseil de régence prit en main les rênes du pays.