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Titre : The Embarrasment of Riches. An Interpretation of Dutch Culture in the Golden Age
Thème : portrait de la culture néerlandaise à l'âge d'or
Epoque : XVIe au XVIIIe siècles
Auteur : Simon Schama
Date d'édition : 1997 [1987]
Maison d'édition : Vintage, New York


L’embarras de certains, la bipolarité des autres

En 1987, Simon Schama, alors professeur à l’université d’Harvard, publiait une œuvre qui tendait un peu vers l’impossible : interpréter la culture néerlandaise à son apogée. De prime abord dans la définition des termes, l’objectif semble sibyllin et mérite certaines précisions. «Culture », «Néerlandaise » et «apogée », trois concepts plutôt difficiles à délimiter au tournant du XVIIe siècle. Quelle culture, la populaire, celle des élites? Qu’est-ce qui est proprement néerlandais alors que, la Guerre de Quatre-vingts ans se terminant en 1648, le territoire et l’existence même de la République n’étaient même pas encore assurés? Finalement, quelle est la durée de l’apogée néerlandaise? J. Israel faisant d’ailleurs état de l’iridescence de telles bornes en 1996 (Certains historiens plaçant cette frontière tardivement au XIXe siècle, d’autres à la conclusion de la Guerre de Succession d’Espagne – le fameux de vous, chez vous, sans vous du traité d’Utrecht – ou encore à l’invasion française de 1672. Jonathan Israel, The Dutch Republic, Its Rise, Greatness, and Fall 1477-1806, Oxford ; New York, Oxford University Press, 1231 pages.). En introduction, l’historien justifie sa recherche : il s’agit en fait de l’histoire de la culture bourgeoise à proprement parler – non pas dans le sens contemporain du terme, mais comme il l’indique au passage , dans le terme néerlandais de burgher, difficilement traduisible en français par «citadin ». Les précisions quant aux autres termes viennent aux deuxièmes et quatrièmes chapitres, qui sont d’ailleurs selon moi, les plus intéressants.

La thèse que Schama développe est plutôt simple : la culture néerlandaise inventée de toutes pièces à la fin du XVIe et dans la première moitié du XVIIe siècle, est constituée de la rencontre et la cohabitation de deux approches irréconciliables (richesses et piété, liberté et sécurité, mondanité et domesticité, etc.) qui transcendent et influencent la société indépendante issue de la crise iconoclaste de 1566 aux pays bas espagnols. Le second chapitre se penche sur la représentation que se faisaient les Néerlandais d’eux-mêmes, cette quête de situer leur existence et celle de la République dans le continuum temps de l’histoire humaine; qui sont-ils, quels sont leurs antécédents? Simon Schama argue que, afférents à leur bipolarité culturelle, deux récits se seraient ainsi démarqués : celui de la continuité humaniste (défendu par Grotius, Scriverius, la première génération d’«historiens » néerlandaise en tant que telle) remontant aux Bataves, peuple contemporain des Romains indigènes aux deltas de la Meuse et du Rhin actuels, avec lesquels les Néerlandais du XVIIe siècle partageraient immanquablement des qualités particulières. L’autre, celui très calviniste des enfants d’Israël lavés (le terme est juste selon la culture diluvienne issue des polders) des péchés antérieurs par la renaissance spontanée de la Nation. Le tout, cimenté par une bonne dose d’évènements contemporains : exactions et actes de barbarie commis à leur endroit par les Espagnols.

Ensuite, le quatrième chapitre aborde le problème plus concret de l’explication des référents que les Néerlandais s’étaient donnés pour définir l’espace existentiel que leur état républicain occupait dans une Europe des monarchies. C’est ainsi qu’il fait souvent appel aux clichés et stéréotypes véhiculés à l’époque sur les belliqueux voisins : Espagnols, Français et Anglais. En guerre de façon presque continue au XVIIe siècle, Schama décrit chez les Néerlandais une sorte de mentalité d’assiégé, de paranoïa dynamique et d’insolence adolescente chez une république valsant entre la volonté d’exalter la singularité de sa situation et la volonté de sécuriser son existence en redirigeant le champ de bataille européen vers un ailleurs autre que le pas de leur vestibule . Par ailleurs, si les chapitres suivants (ou précédents) sont intéressants, comme ceux sur la dichotomie épouse-traînée, la projection des anxiétés adultes sur l’enfance, le rapport aux richesses (chapitres six, sept et cinq), ils ne m’ont toutefois pas ébloui et chatouillé comme ceux cités plus haut qui s’inscrivaient dans un rapport plus identitaire et politique.

Cela dit, le Britannique maintenant professeur d’histoire de l’art à l’université Columbia, exploite de nombreux filons pour étayer son argumentation. Au niveau des sources primaires, ses recherches se fondent entre autres sur de nombreux récits de voyage (Aglionby, J. Parival, W. Temple), de traités politiques, moraux ou des chroniques (H. Grotius, J. Cats, Scriverius, J. Beverwijck), de poésie et de comédies satiriques (Vondel), un peu de correspondance, de manuels domestiques, de chansons populaires, de livres de cuisine et d’archives familiales et même un discours au parlement britannique et le journal d’une sage-femme frisonne. Tableaux, gravures et imprimés sont cependant le legs de l’époque ciblée qu’il évoque le plus abondamment afin de soutenir ses propos . De plus, cette surenchère d’éléments visuels est accompagnée d’une forte présence d’études en histoire de l’art. Ce leitmotiv de la part d’un historien/historien de l’art est passablement critiqué par certains intellectuels qui ne partagent pas particulièrement ce point de vue quant à la proéminence de l’interprétation des symboles visuels pour en tirer une interprétation juste de la culture néerlandaise . En effet, tout pittoresque qu’elle puisse l’être, la signification symbolique du fromage dans les natures mortes néerlandaises ou celle des bulles dans certains portraits d’enfants ne mérite probablement pas qu’on s’y attarde sur deux ou trois pages.

Les études d’éminents auteurs Néerlandais et Anglais sont aussi citées : Rowen, Israel, Huizinga mais somme toute, elles sont volontiers périphériques à la trame narrative et servent la plupart du temps à soutenir les arguments qu’il amène de son propre chef. D’ailleurs, les explications tirées de sources visuelles ne se mêlent que rarement à celles apportées par les sources (primaires ou secondaires) écrites. Certaines omissions sont notables : les déchirements doctrinaires affligeant l’Église réformée néerlandaise qui en deux occasions (Gomarus/Arminius et Voetius/Cocceius), prit un virage franchement inquiétant pour les autorités provinciales ainsi que le rôle de ce que J. Israel nomme les Lumières précoces dans l’histoire des Provinces-Unies : Spinoza, Descartes...

Dans l’ensemble, l’œuvre de Schama pose plusieurs questions et y répond efficacement étant donné que l’exégèse d’une culture ne peut être qu’approximative. En ce sens, le mot «interprétation » prend tout son sens dans l’évaluation de l’étude. Voguant aussi sur une histoire sociale, le lecteur apprend au passage amplement sur les coutumes néerlandaises de l’époque. Personnellement, je me promets de repasser sur les chapitres deuxième et quatrième, il y a là des postulats qui titillent mon imagination, qui m’émeuvent particulièrement.
 
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Titre : The Dutch Imagination and the New World, 1570-1670
Thème : Histoire culturelle néerlandaise du XVIe et XVIIe siècle
Epoque : XVI-XVIIe
Auteur : Benjamin Schmidt
Date d'édition : 2001
Maison d'édition : Cambridge University Press, Cambridge / New York


L'autre​

Benjamin Schmidt ne le cache pas, disciple de Simon Schama, sa thèse vise à reprendre la méthodologie utilisée dans The Embarrassment of Riches. An Interpretation of Dutch Culture in the Golden Age (1987) pour circonscrire l’imaginaire néerlandais concernant l’Amérique. Initié par l’intellectuel britannique à la «géographie culturelle », c’est-à-dire le monde de perceptions partagées par un même groupe sur d’autres peuples, une sorte de géographie imaginaire où les nations extérieures se voient attribuer un rôle typé par rapport à l’observateur. À ce titre, Innocence Abroad, parcourt l’évolution de la perception de l’Amérique et des Amérindiens chez les Néerlandais durant les XVIe et XVIIe siècles.
Regarder l’autre, Schmidt fait remarquer, c’est bien souvent se regarder soi-même . Dans cette optique, le XVIe siècle ante et post-bellum (révoltes de la Guerre de Quatre-Vingts ans) colporte une différence marquée de la position espagnole dans la géographie culturelle néerlandaise. Ce changement est important puisqu’il occasionne un renversement radical de la perception des Néerlandais sur le Nouveau Monde. Des exploits honorables et acclamés de Cortés et Vespucci publiés au début des conquêtes, se substitue dès le milieu des années 1560 une légende noire espagnole où la distinction entre victimes Amérindiennes et Néerlandaises n’est qu’effective que parce qu’il y a un espace physique entre les deux. Le discours politique néerlandais portant sur les relations entre Espagnols et Amérindiens comme outil de légitimité de leur propre révolte. Ce rapport fut appelé à être altéré décisivement par l’implication des Néerlandais eux-mêmes dans le Nouveau Monde et la par la sécurisation de leur révolte en Europe. Cependant, et c’est le plus intéressant, Schmidt fait valoir que les décennies de discours sur l’innocence des uns et la tyrannie des autres ont teinté les premiers approches entreprises avec les Amérindiens au XVIIe siècle . Ultérieurement l’utilisation de ce genre de polémique pamphlétaire se retourna non seulement contre la Compagnie des Indes occidentales néerlandaise lors des déconfitures brésiliennes dans les années 1650-60, mais aussi contre les Néerlandais eux-mêmes durant les guerres anglo-néerlandaises. Ironiquement, à la lumière des défaites coloniales et des conflits avec l’Angleterre et la France, l’Espagne fut acclamée autant pour ses politiques coloniales que pour son rapprochement diplomatique avec la république au tournant des années 1670.
En outre, pour Schmidt, l’étude qu’il a réalisée sert à porter un éclairage nouveau à la rhétorique des révoltes néerlandaises du XVIe siècle et à l’imaginaire de l’âge d’or du siècle suivant. Situer les repères culturels néerlandais comme le fait Benjamin Schmidt signifie qu’Innocence Abroad repose sur une multiplicité impressionnante de sources primaires tout comme l’était Embarrassment of Riches. Poèmes, chroniques, tableaux, rapports administratifs, l’auteur fait flèche de tous bois. Cependant, une attention particulière est dévouée aux pamphlets publiés pour influencer ou rapporter l’opinion générale dans la métropole. L’argumentaire est convaincant quoique parfois redondant et la publication aurait pu être, selon moi, ramené en deçà des 450 pages qu’elle occupe. Cela dit, dans une perspective de confronter discours coloniaux néerlandais, anglais et français, ce point de comparaison s’avère franchement essentiel.
 
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Titre : The Dutch Republic in the Seventeenth Century
Thème : Synthèse de l'histoire néerlandaise lors de l'âge d'ord du XVIIe siècle
Epoque : XVIIe jusqu'à 1715
Auteur : Marteen Prak
Date d'édition : 2005
Maison d'édition : Cambridge University Press, Cambridge / New York


L'âge d'or

L’œuvre que Prak esquisse est une synthèse historique de la république néerlandaise durant son apogée au XVIIe siècle. Cette étude est basée exclusivement sur des sources secondaires et l’auteur ne se résout que très rarement à utiliser des notes de bas de page. Cela dit, sa bibliographie se révèle à être une mine d’or pour quiconque veut entamer une recherche approfondie. La section Further reading a l’avantage d’être classée non pas par auteur, mais bien par sujets. Prak y énonce les œuvres jugées les plus pertinentes tout en mettant en évidence les tares de l’historiographie concernant l’âge d’or néerlandais. Il va sans dire que les chapitres trois et sept («A Worldwide Power» et «A Worlwide Trading Network») ont retenu particulièrement mon attention quant aux possibilités d’y dénicher des études plus pointues .
Contrairement aux historiens du XXe siècle qui traitaient l’échafaudage politique néerlandais de l’époque moderne comme un sérieux handicap à une pérennité de son ascendance en Europe occidentale, Prak prend le parti opposé. Ainsi la diffusion du pouvoir à l’horizontal aurait permis l’éclosion de l’hégémonie néerlandaise au XVIIe siècle. Cette même configuration politique portait du même coup les germes de sa sclérose avec l’aristocratisation rampante des charges, processus que Julia Adams décrit plus en profondeur dans son ouvrage paru la même année. L’isolement de la classe régente couplé au ralentissement économique important de la fin du XVIIe siècle et à la marginalisation diplomatique de la république auraient précipité le déclin de l’âge d’or néerlandais au siècle suivant. Pour se faire, Prak explique que la décentralisation inhérente aux institutions néerlandaises aurait eu des répercussions observables à plusieurs niveaux de l’existence culturelle, politique, sociale, économique et militaire de la république.
En outre, une mention honorable doit être faite quant à l’inclusion d’un chapitre portant sur la relation des États avec la marine et l’armée et les innovations militaires amenées par Maurice et Frederick-Henri d’Orange-Nassau durant de la Guerre de Quatre-Vingts Ans, ce dont avait traité superficiellement J. Israel dans sa synthèse sur l’ensemble de l’histoire de la république néerlandaise . Intéressant de percevoir la rivalité entre amirautés (trois hollandaises, une zélandaise et l’autre frisonne) d’une part, et d’autre part entre provinces maritimes (Hollande, Zélande, Frise) et celles de l’intérieur quant à la répartition des budgets militaires de la Généralité entre l’armée et la marine.
 
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Titre : The Anglo-Dutch Wars of the Seventeenth Century
Thème : Histoire militaire/navale
Epoque : XVIIe siècle
Auteur : J. R. Jones
Date d'édition : 1996
Maison d'édition : Longman, Londres / New York


Les guerres anglo-néerlandaises du XVIIe siècle​

L’auteur a sectionné son discours en trois grandes parties afin de bien situer la situation politique prévalant en Europe et plus particulièrement, à l’intérieur même des deux états en question, avant et pendant les guerres qui se sont étalées entre 1652 et 1674. J. R. Jones surprend par la minutie de son étude, un chapitre en entier est consacré aux caractéristiques climatiques et environnementales propres à la mer du Nord et à la Manche (là où la majeure partie des affrontements navals prirent place) . Pour quiconque un tant soi peu initié aux guerres navales de l’époque moderne, il ne va pas de soi que les bas et hauts fonds, les courants, les marées, ont des conséquences importantes sur les tactiques et les stratégies employées de part et d’autre. À ce titre, l’auteur ne cesse de rappeler et expliquer leur importance décisive (Par exemple, les habiles manœuvres de l’amiral Michel de Ruyter durant la Troisième Guerre anglo-néerlandaise qui permirent aux Hollandais et aux

Zélandais d’éviter l’invasion franco-anglaise de 1672-73)
. L’étude comporte cependant un billet anglocentrique dans ses conclusions même si d’honnêtes efforts sont déployés pour décloisonner le récit d’une trop grande dépendance sur des sources primaires anglaises. L’interprétation que fait Jones de la scène politiques anglaise durant les trois conflits fait ressortir le changement constant des rapports internes entre l’exécutif (la cours) et les groupes de pressions qui sont sensés représenter l’intérêt national. En d’autres mots, la conduite des guerres anglo-néerlandaises depuis Whitehall était soumise à l’influence fluctuante de certains groupes (marchands, Jacques Stuart et ses acolytes, les ministres de la «Cabale», l’ambassadeur anglais à La Haye) qui s’opposaient dans leur lutte pour se rapprocher du centre décisionnel .

Ainsi de suite, d’autres sections servent autant à appuyer la thèse qu’à brosser un tableau le plus général possible du contexte international des guerres anglo-néerlandaises(La Première Guerre anglo-néerlandaise est déclenchée sous le Commonwealth anglais (1652-54), la Seconde est déclenchée cinq années après la restauration des Stuart à la tête de l’Angleterre, de l’Écosse et de l’Irlande (1665-67) alors que la France se range du côté de la République néerlandaise alors que la Troisième (1672-74) n’est rien de moins qu’un complot ourdi entre les couronnes anglo-françaises tour à tour échaudées par l’activisme et l’insolence d’une petite république qui entrave l’honneur de ces Majestés. J. R. Jones, The Anglo-Dutch Wars…, p. 6-9.). Par exemple, le rôle des agents externes (Danemark, France, Espagne, Suède), des théâtres d’affrontement secondaires (Méditerranée, colonies américaines et asiatiques, la Baltique, etc.) sont aussi examinés avant que la seconde moitié de l’étude ne retrace le fil des évènements inhérents aux trois guerres.

The Anglo-Dutch Wars of the Seventeenth Century est construit en grande partie autour de l’examen d’une multitude d’analyses politiques, militaires, navales, économiques anglaises et néerlandaises touchant de près la seconde moitié du XVIIe siècle. Pour ce qui est des sources primaires, l’auteur a instrumenté plusieurs récits et journaux intimes de personnalités politiques (Samuel Pepys, Clarendon, Thomas Allin), militaires (Sandwich) anglaises, certaines correspondances (The Rupert and Monck Letter Book, 1666) et certaines traces légales de l’activité administratives de l’époque (Debates of the House of Commons, 1769, A Collection of the State Papers of John Turloe [1742], etc.) Sur quatorze de ces éléments, seules deux sont d’origines néerlandaises ; maigre récolte surtout que celles-ci datent de compilations d’archives publiées au début du XXe siècle. Certaines erreurs ont pu être relevées. En effet, J. R. Jones passe un peu trop rapidement sur l’épisode de la Triple alliance de 1668-69 entre les Provinces-Unies, l’Angleterre et la Suède visant à contraindre Louis XIV à renoncer à l’annexion des Pays-Bas espagnols pour expliquer la transition entre le deuxième et troisième conflit et induit le lecteur en erreur au passage . Une autre critique qui pourrait être soulevée est le peu de lien tracé avec la situation politique globale en Europe occidentale à la fin du XVIIIe siècle. L’invasion néerlandaise de 1687-88 et la Révolution glorieuse qui s’ensuivit initiées par Guillaume III sont évoquées au passage, mais l’impact politique des trois guerres aurait pu être souligné plus fortement.

Tout bien considéré, de toutes les études qui m’ait été donné de consulter dans le cadre de ce cours, l’œuvre de Jones m’est apparue comme étant celle la mieux structurée et la plus concise dans la façon d’apporter au lecteur les informations souhaitées. Parfois, l’agenda intellectuel et la démonstration de la thèse prennent trop de place vis-à-vis l’objet étudié (je pense, par exemple à l’ouvrage de 2005 de Julia Adams). L’écriture y est précise sans verser dans la redondance comme ce peut être le cas dans l’étude suivante. Décidément, un exemple à suivre pour l’étudiant que je suis.
 
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Titre : Colbert, Mercantilism, and the French Quest for Asian Trade
Thème : Histoire militaire/navale, histoire économique
Epoque : 1660-1683
Auteur : Glenn J. Ames
Date d'édition : 1996
Maison d'édition : DeKalb (Illinois), Northern Illinois University Press

La Compagnie

Ames situe son étude dans l’historiographie des années 1990. Le constat est formel : l’historiographie coloniale européenne en Asie, touffue en ce qui concerne les exploits anglais, abondante pour ce qui est des empires néerlandais et portugais, est beaucoup plus clairsemée lorsqu’il s’agit des tentatives françaises. Suivant le « standard » C. R. Boxer , et de ses émules ultérieures, l’historien propose ici de retracer le projet asiatique que Jean-Baptiste Colbert a orchestré entre 1664 et 1674 sous le nom de la Compagnie royale des Indes orientales . Si l’entreprise française a échoué – et c’est la conclusion de sa démarche comparative avec la VOC et la Compagnie anglaise des Indes orientales – c’est que les structures inhérentes à l’État français Bourbon n’avaient pas favorisé les intérêts mercantiles et, à terme, leur auraient même été nuisibles (Selon l’auteur, l’échec de la Compagnie s’explique aussi au niveau évènementiel. Les erreurs commises par les individus impliqués : l’ignorance et les mauvaises décisions coûteuses de Colbert, la déconfiture de l’expédition sous le commandement de l’amiral La Haye, « l’étrange politique de non-agression » envers la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (ci-après VOC) du directeur de la Compagnie, François Caron, ont toutes contribuées aux insuccès des efforts français en Indes, à Ceylan, à Madagascar et en Insulinde. Ibid., p. 189-90.). Pour preuve, Ames évoque le faible taux d’investissements privés malgré l’acharnement de Colbert à susciter l’adhésion de la classe marchande au projet . La Compagnie fut donc entièrement dépendante des subsides royaux, source qui s’est évidemment tarie lorsque le Roi privilégia ses campagnes continentales contre la République et ses alliés dès 1672 .

L’historien a ainsi épluché pendant cinq ans les archives coloniales françaises, indiennes, anglaises, néerlandaises et portugaises , les ordonnances royales reliées à la Compagnie, la correspondance officielle et personnelle des hauts dirigeants, la correspondance et les instructions des ambassadeurs français et étrangers ainsi que les récits, journaux de voyage et mémoires (l’amiral La Haye, François Martin entre autres). De nombreuses recherches publiées depuis le XIXe siècle viennent suppléer les sources primaires. Fait remarquable, les œuvres classiques de l’historiographie française (Gaston Zeller, P. Clément, P. Goubert) et celles de langue anglaise (H. Rowen, A. Lossky, P. Sonnino) servent rarement à faire avancer le récit, mais davantage à positionner la thèse de l’auteur, quitte à réfuter la plupart d’entre eux.

En outre, Ames est un modèle parfait d’instrumentalisation et d’interprétation de sources premières dans la construction d’un récit, d’autant plus qu’il serait le pendant oriental à une possible entreprise consacrée à l’étude des politiques coloniales françaises en Amérique durant la guerre de Hollande (1672-78). Cependant, lorsqu’il s’agit d’étayer l’hypothèse qui devrait construire le fil conducteur de l’œuvre, l’historien y laisse quelques plumes. En effet, le récit tient en lui-même et la trame narrative avance chronologiquement. Lorsqu’à la toute fin, des considérations sociopolitiques et institutionnelles interviennent pour expliquer la déconfiture française, le lecteur est déjà persuadé de l’inaptitude (ou traîtrise?) du directeur F. Caron et du manque de vision de Louis XIV lorsqu’il se décharge, passé 1671, d’aider l’expédition La Haye sévissant le long de la côte Coromandel. En effet, le dénouement impliquant les structures « dynastiques » de l’État français et l’obsession territoriale louis-quatorzienne ressemblent plutôt à un Deus ex machina qu’à un argumentaire abouti. À avoir épluché de nombreuses sources émanant de l'état louisquatorzien, l'auteur a semble-t-il adopté le même point de vue que lui quant aux causes de ses insuccès, dérive assez dangereuse pour un historien. L’étude de sociologie historique de Julia Adams publiée plus récemment, sans être très claire, a au moins le mérite de démêler l’écheveau des interactions patrilinéaires des structures étatiques françaises, anglaises et néerlandaises du XVIIe siècle et de nous amener vers cette même conclusion. Même chose pour l’œuvre de Carl Eckberg lorsqu’il s’agit de l’obsession territoriale du Roi Soleil.
 
Titre : The Failure of Louis XIV's Dutch War
Thème : Histoire militaire/navale, histoire politique
Epoque : l'année 1673
Auteur : Carl Ekberg
Date d'édition : 1979
Maison d'édition : University of North Carolina Press, Chapel Hills (Caroline du Nord)

Les campagnes

Carl Eckberg fait intervenir habilement la masse d’historiens et même le Roi lui-même dans le dernier chapitre de son ouvrage publié en 1979. Ainsi, si la majorité de ceux-ci et le souverain (via ses mémoires) s’entendent a posteriori pour affirmer l’instrumentalisation consciente du conflit néerlandais afin de déclencher une guerre directe avec l’Espagne , Eckberg oppose une fin de non-recevoir à cette interprétation. Après une analyse poussée des évènements et des sources relatives à l’année 1673, la conclusion est formelle : Louis XIV pressé par Louvois et tenaillé par une vaine recherche de gloire personnelle avait refusé en 1672 le règlement que lui proposait la Généralité de la République néerlandaise et avait décidé de poursuivre les hostilités. 1673, argumente-t-il, est une année charnière dans le conflit entre les Néerlandais isolés de leurs alliés et les Français flanqués des princes allemands de Cologne et Münster ainsi que de l’Angleterre de Charles II. En effet, à cause des politiques militaires et diplomatiques mises de l’avant par le monarque et son secrétaire d’État à la Guerre durant cette année, les hostilités s’étendent durablement au théâtre paneuropéen alors que la France perd l’appui des Anglais et des états-clients usuels dans l’Empire . Ainsi donc, se dégage des tergiversations de Louis XIV et de son personnel politique après la prise de Maastricht au mois de juin, une nette impression d’improvisation. Au clair, la Couronne française n’avait pas de stratégie à long terme dans cette guerre – et certainement pas celle de se positionner avantageusement pour attaquer l’ennemi juré espagnol. Sinon, comme l’auteur le fait remarquer, les propositions de paix de l’été 1672 auraient été acceptées.

L’analyse diffère sensiblement de celle d’Ames. La trame narrative est saucissonnée selon les théâtres d’opération : Louis XIV à Maastricht au printemps, en Lorraine puis en Alsace en juillet puis à Trêves en août, la conférence de Cologne entre belligérants qui implique surtout les diplomates français, Turenne en Franconie, Condé et Luxembourg tour à tour en Flandres et à la frontière orientale de la Hollande et finalement Colbert de Croissy à Londres alors que les Anglais se préparaient à larguer l’alliance française, etc. Là, le lot de dépêches royales, de correspondance officielle et personnelle (autant du monarque, de ses ministres que des ambassadeurs et des agents étrangers) est scruté à la loupe et interprété rigoureusement. La psychologie tient ici le haut du pavé. Ces sources sont secondées d’analyses antérieures (celle de Camille Picavet sur Louvois revient régulièrement de même que les propres mémoires de Louis XIV) revues et réinterprétées par Eckberg . Le résultat est probant et clair. La démonstration est sans équivoque comme peut l’être celle de P. Sonnino , le récit et la thèse s’appuient mutuellement et c’est le meilleur exemple d’une histoire politique (souvent déconsidérée par les historiens actuels) tirée de sources classiques dont on ne peut que constater la pertinence. Personnellement, l’entreprise apparaît aussi assez intimidante puisque l’auteur démontre une connaissance intime de la multiplicité des acteurs impliqués sans compter que la compréhension de sources en allemand, tchèque, anglais, français, néerlandais, et espagnol anciens est de mise.
 
Titre : The Dutch Navy of the Seventeenth and Eighteenth Centuries
Thème : Histoire militaire/navale
Epoque : XVIe-XVIIe-XVIIIe siècles
Auteur : Jaap R. Bruijn
Date d'édition : 1993
Maison d'édition : University of South California Press, Columbia

La marine

L’historien Jaap R. Bruijn, dans un ouvrage qui frôle le bilan historiographique, s’intéresse à la marine néerlandaise de la fin du XVIe siècle à 1795, date où la France révolutionnaire soumet sa consœur républicaine. La démonstration de Bruijn est certainement la moins limpide. L’historien introduit subtilement l’idée d’un découpage chronologique propre à la marine néerlandaise en trois temps : la « old navy » (fin XVIe-1652), la « new navy » (1652-1713) puis la marine de second ordre du Traité d’Utrecht jusqu’au dénouement des guerres révolutionnaires . Selon lui, le manque de coordination et de planification induit par la décentralisation des institutions néerlandaises pouvait être pallié par une direction politique forte tel ce fut le cas sous Jean de Witt ou Guillaume III d’Orange. D’autre part, le changement de doctrines navales pendant la Première Guerre anglo-néerlandaise (1652-1654) a accouché dès 1653 d’une première escadre militaire permanente et subséquemment, d’un corps professionnel propre à la marine néerlandaise .

Cet ouvrage diverge énormément des deux précédentes. Alors que l’objet décortiqué par Ames est la formulation et l’exécution des politiques coloniales françaises en Asie entre 1664-1674 et que celui de Eckberg se révèle être l’échec de la stratégie militaire et diplomatique de la Couronne française durant l’année 1673, celui de Bruijn est plus large et impersonnel. Les vaisseaux, le fonctionnement, le personnel, les doctrines qui sous-tendent les activités de la marine sont ainsi passés en revue par l’historien néerlandais. Ses sources sont peu nombreuses (différentes archives d’état à La Haye et Middelbourg, journaux de bord d’officiers généraux et quelques articles de quotidiens contemporains à cette époque. La majeure partie de la tâche de Bruijn fut d’orchestrer des centaines d’études sur le sujet pour monter une histoire parachevée de la marine. En ce sens, les outils sont aussi plus nombreux, certaines compilations statistiques font ainsi appel aux techniques de l’histoire sérielle. Cependant, pour ce qui est de l’illustration des propos, dû aux lacunes et à la rareté des sources, l’auteur se rabat immanquablement sur la relation des cas extraordinaires : Michel de Ruyter, Maarten et Cornelis Tromp, la dynastie zélandaise Evertsen, W. de With et autres célèbres hauts gradés de la marine néerlandaise du XVIIe siècle. À ce titre, les sous-officiers et matelots ne s’illustrent qu’à travers un portrait général peu imagé. À mi-chemin entre l’histoire sociale et l’histoire politique, le récit est un très bon exemple d’une telle entreprise historiographique.
 
Titre : The Familial State. Ruling Families and Merchant Capitalism in Early Modern Europe
Thème : Histoire comparée/sociologie
Epoque : XVIe-XVIIe-XVIIIe siècles
Auteur : Julia Adams
Date d'édition : 2005
Maison d'édition : Cornell University Press, Ithaca / Londres

Les structures familiales; histoire comparée de la France, Provinces-Unies et Angleterre

Julia Adams tente elle aussi d’éclairer la problématique inhérente aux structures politiques et sociales de la république avec un essai de sociologie historique qui agace parfois de par sa manipulation de concepts abstraits voisins et pas toujours biens définis . Basée sur la notion des structures patrimoniales des états anglais, français et néerlandais de l’époque moderne européenne, son étude tente de lier – un peu comme Prak le fait avec la décentralisation des institutions – le l’ascension et la décadence rapide de l’hégémonie néerlandaise à ses propres structures institutionnelles.

L’argumentaire est étoffé et convaincant. Adams ne table pas simplement sur l’organisation du pouvoir au sein des élites et du gouvernement mais aussi dans les expressions corporatistes calquées sur le même modèle : les compagnies coloniales à charte néerlandaises . Fait occulté par biens des historiens, la sociologue de formation rappel la compétition malsaine entre les deux entités commerciales, véritables bras de la souveraineté néerlandaise outre-mer, afin de s’assurer le support limité de l’état métropolitain et ce, au détriment de la plus fragile des deux, la WIC.
 
Titre : In Search of Empire. The French in the Americas, 1670-1730
Thème : Histoire synthèse / histoire militaire et navale
Epoque : 1670-1730
Auteur : James Pritchard
Date d'édition : 2004
Maison d'édition : Cambridge University Press


L’insaisissable empire.

Publiée en 2004 par un historien particulièrement épris de l’histoire de la marine, In Search of Empire, The French in the Americas, 1670-1730 postule que l’empire colonial français demeurait insaisissable alors que la période formative de la plupart des établissements américains débouchait sur des sociétés arrivées à maturité entre la guerre de Succession d’Espagne et celle de Succession d’Autriche. Ce constat suppose deux choses : que les décennies 1670-1730 avaient joué un rôle fondamental dans l’édification de ces nouvelles sociétés et qu’incapable de façonner ses propres colonies, l’État français n’aurait guère influencé leur évolution économique, sociale et politique .
Compte tenu de ces hypothèses, J. Pritchard scinde l’ouvrage en deux. La première partie dresse le portrait global de chacune des quatorze colonies françaises. Il s’agit d’une synthèse historiographique où l’auteur rapporte les éléments démographiques, les structures sociales, institutionnelles, économiques et judiciaires de chacune des historiographies locales à sa propre problématique. L’auteur s’inscrit ainsi résolument dans le camp des historiens de la frontière qui nient l’influence métropolitaine dans l’évolution de ses boutures extra européennes comme le fait remarquer Leslie Choquette (Leslie Choquette, « Comparative/World. James Pritchard. In Search of Empire: The French in the Americas, 1670–1730. », American Historical Review, Vol. 110, No 2 (avril 2005), p. 441.)

Son argumentaire est très convaincant et, à mon avis, sans faute s’il fallait oublier celui sur l’aspect judiciaire. Il est vrai que chaque colonie ne comportait pas le même degré de sophistication institutionnelle sur son territoire , mais n’en demeure pas moins que la coutume de Paris, le code Noir et le code Marchand demeuraient les corpus légaux généralisés et respectés autant en Amérique du Nord que dans le Circum-Caraïbes. À cela, l’auteur fait valoir certains aménagements particuliers comme le retranchement du retrait lignager de la coutume de Paris dans les Antilles et de la stratégie de non-division du domaine foncier entre générations au Canada pour appuyer son argument. Il va sans dire qu’il s’agit, selon moi, d’exceptions qui ne permettent pas à l’auteur de justifier sa thèse par l’argument de l’exceptionnalité juridique.

Néanmoins, il s’agit d’une des seules entreprises qui regroupe l’historiographie parcellaire des anciennes colonies françaises et à ce compte, l’opération est impressionnante. Ce n’est qu’à la suite de nombreuses comparaisons que le lecteur retrace les échecs des politiques métropolitaines, l’importance économique démesurée des colonies antillaises par rapport à Cayenne ou encore au Canada. L’analyse suit souvent à la toute fin du chapitre. C’est ainsi que l’auteur nuance certains débats (les pêcheries, secteur économique colonial ou métropolitain ? Le Traité d’Utrecht : perte d’actifs ou purgatif de lourdes responsabilités ?). En ce sens, l’analyse aurait pu être étoffée d’une comparaison succincte avec les autres empires atlantiques sur les mêmes bases comparatives. Une question peut ainsi être soulevée; à tout prendre, les Anglais et les Espagnols ont-ils, eux, réussi là où J. Pritchard ne voit chez les Français qu’une illusion impériale?

En deuxième lieu, l’historien se penche sur les guerres livrées par les instances coloniales et la métropole durant ces décennies qui le préoccupent. Ainsi, à chaque établissement, les menaces extérieures et les réponses qu’ont apportées les coloniaux à celles-ci sont évoquées et analysées. C’est dans cette section-ci que l’auteur démontre ses capacités de chercheur et, encore une fois, il précise ses opinions parmi tant d’autres : la guerre de course de Louis XIV a nui aux intérêts coloniaux , les enseignements tirés par Versailles lors de la guerre de Hollande ont influencé durablement les dirigeants métropolitains dans les stratégies de défense des colonies américaines . Les archives gouvernementales, la correspondance et les instructions aux officiers, certaines relations contemporaines aux évènements composent la majorité du lot de sources auxquelles il fait appel. Ensuite, les analyses du XIXe et du début du XXe siècle lui sont utiles soit comme source d’information, soit pour réfuter leurs hypothèses .

En fin de compte, il s’agit certainement d’une œuvre-clef dans l’acquisition de connaissances plus générales sur l’ensemble du premier empire colonial français. Son postulat («the elusiveness of the French Empire») est cependant assez timoré ou contestable. En effet, l’auteur ne donne jamais une définition utile ou même des barèmes établis par lesquels juger de ce que devrait être un empire. Sans être tout à fait d’accord avec chacune des conclusions de l’ouvrage, il y a quand même là la base d’une recherche intéressante surtout en ce qui a trait à la seconde moitié de l’essai ou encore quant aux arguments avancés pour faire valoir le fait que les sociétés coloniales françaises ont évolué sans le concours ou l’empreinte métropolitaine. En outre, l’examen que Stewart Mims a conduit en 1912 (et dont certaines conclusions sont reprises telles quelles) des politiques coloniales promues par Colbert dans les Antilles françaises fait réfléchir quant au peu de changements qui sont intervenus dans cette sphère historiographique depuis le début du XXe siècle.
 
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Bel effort ! :cool:

Merci beaucoup Niptium. :)

Cat
 
En ce sens, l’analyse aurait pu être étoffée d’une comparaison succincte avec les autres empires atlantiques sur les mêmes bases comparatives. Une question peut ainsi être soulevée; à tout prendre, les Anglais et les Espagnols ont-ils, eux, réussi là où J. Pritchard ne voit chez les Français qu’une illusion impériale?

En effet, l’auteur ne donne jamais une définition utile ou même des barèmes établis par lesquels juger de ce que devrait être un empire.

Ces commentaires sont particulièrement justes. Outre des points précis ou je ne suis pas d'accord avec l'analyse de Pritchard (notamment le droit, comme tu le soulignes), c'est ce genre de commentaire qui soulèvent nombres de questions sur l'idée de l'Empire et surtout, la présomption qu'un empire est nécessairement conçu dès l'origine et, partant, doit être évalué en fonction d'objectifs qui peuvent facilement transcender les siècles jusqu'à nous.

Je me suis demandé aussi si le choix de la chronologie n'influence pas précisément ce genre de diagnostic. Qu'en aurait-il été si M. Pritchard avait poursuivi son analyse jusqu'à 1750 ? Jusqu'à 1790 ? L'empire français a fait l'objet de réévaluations fréquentes au Ministère de la Marine selon les enjeux du moment et les informations reçues à Versailles.
 
Le postulat final : l'insaisissable empire, l'ambiguïté impériale française est une fausse question... Il y a une métropole, il y a des colonies quoi qu'on en dise. POur ce qui est des arguments théoriques, que le chercheur se range du côté des «frontiéristes», parfait mais tout ça fait un peu artificiel ; y'a t'il influence de la métropole ou empreinte de celle-ci dans ses colonies ? Pritchard est beaucoup trop catégorique lorsqu'il dit non selon moi. Une société ne se construit pas par elle-même sans avoir certains acquis culturels. La Nouvelle-France, les Antilles françaises n'ont certainment pas évoluées de la même manière de par leur structures économiques, soit. Le tout demeure un savant mélange d'anthropologie et d'histoire...

Mais l'étude apporte des réflexions qui ont un impact réel et a surtout le mérite de prendre les contes de nos enfances (ceux rédigés avec la correspondance officielle étatique) et de les mettre à la poubelles. Je constate une certaine pauvreté de l'historiographie francophopne en ce qui a trait aux questions d'empire, aux échanges atlantiques et aux relations intercoloniales auxquelles les études anglophones s'intéressent de façon plus marquée.

Outre les biographies qui sont populaires dans les deux langues (et qui sont snobbées par les historiens de facultés), il faut croire que nos historiens (Français, Québécois, Wallons et al.) sont encore sous l'emprise de l'histoire dite culturelle à la Mandroue, Certeau, Farge et Foucault qui s'intéressent à l'évolution historique de concepts humains (la folie, la peur ou encore les ongles incarnés des bébés pachtounes entre 1573 et novembre 1687:rolleyes:) des années 1970-80. L'histoire politique n'a plus ses lettres de noblesse dans les départements universitaires d'histoire francophones de nos jours...
 
Colbert's West India Policy

Titre : Colbert's West India Policy
Thème : Histoire politique / économique
Epoque : 1660-1683
Auteur : Stewart L. Mims
Date d'édition : 1912
Maison d'édition : New Haven, Yale University Press


Colbert et les Indes occidentales

Stewart L. Mims était un professeur d’histoire à l’université de Yale au tournant du XXe siècle. Ayant documenté pour la première fois les politiques coloniales de Colbert en ce qui a trait aux Antilles françaises, l’historien sépare ainsi son œuvre en deux : récit chronologique et étude des politiques et leur impact sur l’économie coloniale. Il en déduit que malgré les effets corollaires malheureux de ses politiques mercantilistes sur le développement de la Martinique, de la Guadeloupe et de Saint-Christophe (un ralentissement de leur développement dû à l’incapacité de la Compagnie des Indes occidentales fondée en 1664 à répondre aux besoins matériels des insulaires, puis des marchands français qui prennent le relais dès la fin des années 1660. Stewart L. Mims, Colbert's West India Policy, New Haven, p. 336-37.), le but que s’était fixé Colbert, soit de reprendre aux Néerlandais le commerce des colonies du royaume, avait été atteint.

Si au début, S. Mims fait reposer son étude sur les deux «histoires des îles» que Jean-Baptiste du Tertre a composées dans la seconde moitié du XVIIe siècle, il s’en affranchit ensuite dans la seconde partie afin d’examiner l’impact des politiques de la métropole sur l’économie coloniale. Ce sont les sources étatiques (archives départementales, recueils et mémoires présentés à l’époque à l’administration royale, archives du ministère des Affaires étrangères, colonies et de la marine et) qui retiennent ainsi la majorité de son attention. Certains récits de voyage se démarquent aussi du lot lorsqu’il est question des années antérieures à l’administration louis-quatorzienne.

De façon surprenante, mis à part la propension de l’auteur à reproduire en long et en large les extraits qu’il cite, la structure argumentative surprend par un découpage thématique qui ne suit pas les préceptes de l’historicisme. Cependant, Mims évolue dans un environnement où justement, le structuralisme ne pèse vraisemblablement pas de tout son poids; il ne s’épanche pas irrémédiablement à positionner son discours selon un spectre historiographique comme les historiens le font depuis la révolution des Annales. Cela dit, il ne s’agit certainement pas d’une faute, ce que lui imputerait la démarche historiographique contemporaine. Son postulat demeure valide aujourd’hui. Il faut justement se demander franchement lorsque J. Pritchard (James Pritchard, In Search of Empire. The French in the Americas, 1670-1730, Cambridge, Cambridge University Press, 2004. 484 pages) rejette le positivisme de Mims selon lequel les politiques de Colbert seraient responsables de cette reprise en main patriotique pour plutôt avancer que ce sont les interventions agressives de la marine française qui ont assuré cette révolution commerciale, il ne le fait pas que pour créer un espace artificiel entre son analyse et celle de son prédécesseur. En effet, les différents phénomènes observés par Mims en 1912 sont constamment repris par l’historien canadien sans être remis en question, seule la conclusion diffère partiellement. En outre, la participation de la marine française ne faisait-elle pas partie des politiques de Colbert?

Mims, presque cent ans auparavant, soulève le fait que Colbert ne croyait pas intrinsèquement à la doctrine du mercantilisme et que si elle fut employée via la Compagnie des Indes occidentales , c’est que le secrétaire d’État se devait, temporairement, de répondre à la demande coloniale alors que la classe marchande française avait été acculée à l’inaction depuis des années par le dynamisme des Néerlandais. « Une fois que les marchands français commencèrent à investir les îles de leur cargo, Colbert encouragea ce développement » et dès 1672 on travailla à sa dissolution, non seulement parce qu’elle était endettée, mais parce que la CIO n’avait plus sa raison d’être (Mims, op. cit., p. 234-35.). Colbert-le-pragmatique ? Autant S. Mims que J. Pritchard tracent le même portrait. Si ce n’était de l’admiration assumée du premier pour Colbert-le-visionnaire, opinion que le second raille, la plus nouvelle des deux études n’aurait pas eu de points sur lesquels diverger.
 
y'a t'il influence de la métropole ou empreinte de celle-ci dans ses colonies ?

il faut croire que nos historiens (Français, Québécois, Wallons et al.) sont encore sous l'emprise de l'histoire dite culturelle à la Mandroue, Certeau, Farge et Foucault qui s'intéressent à l'évolution historique de concepts humains

C'est précisément de là, à mon humble avis, que vient le renouveau de l'histoire politique et ses plus stimulantes percées, et justement la manière d'envisager la question que tu te poses. De notre côté de l'Atlantique, le désintérêt se porte bien davantage sur l'histoire de la Nouvelle-France que sur l'histoire politique: c'est le 19e siècle qui retient les étudiants de l'histoire du Québec.

Comment envisagerais-tu une histoire politique qui te permette de répondre à ta propre question sinon en tentant de faire une histoire culturelle, une histoire des mentalités, une histoire culturelle du politique...
 
la structure argumentative surprend par un découpage thématique qui ne suit pas les préceptes de l’historicisme. Cependant, Mims évolue dans un environnement où justement, le structuralisme ne pèse vraisemblablement pas de tout son poids; il ne s’épanche pas irrémédiablement à positionner son discours selon un spectre historiographique

Je ne suis pas sûr de te suivre. :confused:
 
C'est précisément de là, à mon humble avis, que vient le renouveau de l'histoire politique et ses plus stimulantes percées, et justement la manière d'envisager la question que tu te poses. De notre côté de l'Atlantique, le désintérêt se porte bien davantage sur l'histoire de la Nouvelle-France que sur l'histoire politique: c'est le 19e siècle qui retient les étudiants de l'histoire du Québec.

Comment envisagerais-tu une histoire politique qui te permette de répondre à ta propre question sinon en tentant de faire une histoire culturelle, une histoire des mentalités, une histoire culturelle du politique...

J'ai discuté avec le spécialiste de l'histoire de la Nouvelle-France (enfin qui occupe davantage cette position à l'UdeM) et il m'a dit que le désintérêt supposé chez les nouveaux étudiants bacheliers qui poursuivent aux cycles supérieurs n'est pas réel... Pour le reste de tes questionnements, je te reviens plus tard.
 
J'ai discuté avec le spécialiste de l'histoire de la Nouvelle-France (enfin qui occupe davantage cette position à l'UdeM) et il m'a dit que le désintérêt supposé chez les nouveaux étudiants bacheliers qui poursuivent aux cycles supérieurs n'est pas réel... Pour le reste de tes questionnements, je te reviens plus tard.

Désintérêt envers la Nouvelle-France, ou envers l'histoire politique ? Si c'est envers l'histoire politique, je suis bien d'accord, mais les bornes de cette histoire n'est plus, généralement, ce que l'on englobait sous «histoire politique» auparavant (et ce que tu sembles vouloir privilégier). Si c'est envers l'histoire de la Nouvelle-France, je suis moins sûr. Peut-être (sans doute) que l'expérience de Thomas diffère de la mienne.

J'en déduis aussi que tu ne fais pas ta maîtrise avec lui (et je ne pense pas que tu la fasse avec S. Dalton). Avec François Furstenberg, alors ?
 
Désintérêt envers la Nouvelle-France, ou envers l'histoire politique ? Si c'est envers l'histoire politique, je suis bien d'accord, mais les bornes de cette histoire n'est plus, généralement, ce que l'on englobait sous «histoire politique» auparavant (et ce que tu sembles vouloir privilégier). Si c'est envers l'histoire de la Nouvelle-France, je suis moins sûr. Peut-être (sans doute) que l'expérience de Thomas diffère de la mienne.

J'en déduis aussi que tu ne fais pas ta maîtrise avec lui (et je ne pense pas que tu la fasse avec S. Dalton). Avec François Furstenberg, alors ?

Il semble puisque Thomas parlait bien à propos de l'histoire de la Nouvelle-France - et au peu de ce que j'entends de l'UQÀM, il semble que le régime français attire toujours autant qu'avant...

Ma directrice c'est Deslandres, mais j'ai pris deux (de 4) cours avec Thomas parce que mon sujet (toujours pas exactement défini à ma deuxième session), recouvre un peu le champ des deux. D'ailleurs Mme Deslandres a un champ d'intérêt assez vaste. J'avoue d'ailleurs, lorsque j'ai lu Simon Schama et Benjamin Schmidt (son élève), j'ai vraiment bien aimé les chapitres sur comment les Néerlandais percevaient les Espagnols, Anglais et Français dans le temps et comment ça influait sur leur action politique. Quand on commence ainsi, on fait parfois des erreurs d'apréciation de son propre savoir - et en me relisant j'avoue que j'ai passé des commentaires que je n'endosse plus. Il faut dire que l'histoire politique dont je parlais revenait plutôt à dire l'histoire événementiel, récité comme on le fait classiquement, ce que l'historicisme faisait à partir des sources officielles, il y a longtemps. J'avoue que cette histoire là m'intéresse toujours beaucoup parce que le récit c'est ce qui apporte toute une saveur à la lecture. Parfois l'histoire sociale, théorisante et lourde de chiffres, à focale souvent trop large m'ennuie. Cependant, je crois que la nouvelle histoire politique (culturo-politique si on veut) offre certainement un spectre de possibilités intéressantes. Peut-être suis-je naif, mais je ne crois pas au déterminisme écrasant des théoriciens du structuralisme - c'est peut-être un fantasme - j'aime bien croire que les acteurs ont cette agentivité (agency), ce libre-arbitre et la possibilité de faire des choix. Après tout, Du Gua de Mont avait bien offert à Champlain d'aller fonder une colonie à la hauteur de la Pennsylvanie et non à nos lattitudes hivernales comme David Hackett Fisher nous l'a bien rappellé en conférence la semaine dernière...

Je viens de contacter Christian Buchet (Institut Catholique de Paris) aujourd'hui à propos de mes recherches et je ne sais s'il va me répondre. J'aurais peut-être pas dû ?
 
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comme David Hackett Fisher nous l'a bien rappellé en conférence la semaine dernière...

Je viens de contacter Christian Buchet (Institut Catholique de Paris) aujourd'hui à propos de mes recherches et je ne sais s'il va me répondre. J'aurais peut-être pas dû ?

Tu as aimé la conférence de Fisher ? J'étais là aussi... ;)

Sinon, il ne faut pas avoir peur d'écrire aux profs français, mais ils ne répondent pas toujours, ni très rapidement. C'est souvent mieux si tu as des questions précises. C'est pour une co-tutelle, ou à propos de ses propres travaux ?
 
Tu as aimé la conférence de Fisher ? J'étais là aussi... ;)

Sinon, il ne faut pas avoir peur d'écrire aux profs français, mais ils ne répondent pas toujours, ni très rapidement. C'est souvent mieux si tu as des questions précises. C'est pour une co-tutelle, ou à propos de ses propres travaux ?
Oui, j'ai bien aimé. C'est la première fois que j'assiste à ce genre de pannel historien. J'ai trouvé que la panneliste faisait du rentre-dedans au pauvre vieux... Mais il a été assez charmant pour nous parler après la discussion. Bizarre, on s'est probablement vu sans le savoir.

Je l'ai contacté à propos de mes propres travaux avec deux question assez précises.