ADIEU A LA GUERRE DE 90 JOURS
L'affaire du Fort Sumter avait au moins l'avantage pour Lincoln de ne plus lui laisser d'alternative. Sa provocation (envoyer une flotte de ravitaillement dans les eaux territoriales de ce qui se considèrait comme une puissance souveraine) avait été efficace, les Sudistes avaient tirés les premiers. L'Union avait pu ainsi lancer son appel aux volontaires et clairement annoncer sa volonté de réduire la "rébellion" par les armes.
Des deux côtés, les volontaires se pressent pour servir sous les drapeaux.
Au sud, si l'affirmation selon laquelle "un dé à coudre suffira pour contenir le sang versé par la Sécession" n'était plus en vogue, elle était remplacée par une autre fanfaronade: un homme du Sud vaut bien dix Yankees! Il suffirait de tirer quelques coups de canon, d'armer les volontaires de fusils à bouchons pour que les nordistes prennent leurs jambes à leurs cous et retournent d'où ils viennent. Les moins optimistes déclarent alors que la guerre sera l'affaire de 90 jours, il suffira d'une ou deux batailles pour décider les Yankees à laisser la Confédération vivre sa vie.
Pour les hommes du Sud, il s'agissait de se défendre contre ses Yankees voulant se mêler de leurs affaires. Il fallait protéger leurs femmes, leurs filles et le Sud contre ces Nordistes.
Même s'ils s'offuscaient du nom que les Nordistes donnaient alors au conflit (la guerre de la Rébellion), beaucoup de Sudistes arborèrent fierement l'épithète de rebelle. Un poète de la Nouvelle Orléans écrivit même ces mots:
Oui, nommez les rebelles! C'est le nom
que portèrent leurs patriotes de pères
et ils le sanctifieront par des exploits
aussi beaux que ceux d'avant.
Jefferson Davis lui-même répéta mainte fois que le Sud se battait pour ce "droit sacré de s'autogouverner" qui avait alors inspiré les Pères Fondateurs. Dans son premier message au Congrès, après la chute du Fort Sumter, il déclara: "La Confédération n'entend chercher nulle conquête, nul agrandissement, nulle concession d'aucune sorte de la part des Etats avec lesquels nous étions hier encore unis; tout ce que nous voulons, c'est qu'on nous laisse tranquille.".
"Nos hommes doivent l'emporter sur le champs de bataille ou perdre leurs biens, leur pays, leur liberté, tout ce qu'ils ont, nota un Sudiste dans son journal intime. L'ennemi, si en revanche il concède la victoire, n'aura plus qu'à se retirer dans son propre pays et jouir de ce qu'il possédait avant la guerre.".
Cet état d'esprit était commun à bien des volontaires, prêt à se sacrifier pour défendre le Dixie Land contre les Yankees. Ces tout nouveaux soldats sont acclamés, on chante
Dixie's Land ou
Bonnie Blue Flag sur leur passage; on ne doute guère de la victoire.
Dixie's Land
1. Southrons, hear your country call you!
up! Lest worse than death befall you!
to arms! To arms! To arms! In dixie!
lo! The beacon fire's lighted!
let our hearts be now united!
to arms! To arms! To arms! In dixie!
Chorus
advance the flag of dixie!
hurrah! Hurrah!
for dixie's land we'll take our stand
to live or die for dixie!
to arms! To arms!
and conquer peace for dixie!
2. How the South's great heart rejoices
at your cannons' ringing voices!
to arms! To arms! To arms! In dixie!
for faith betrayed and pledges broken,
wrongsnflicted, insults spoken.
to arms! To arms! To arms! In dixie!
3. If the loved ones weep in sadness,
victory shall bring them gladness;
to arms! To arms! To arms! In dixie!
exultant pride soon banish sorrow;
smiles chase tears away to-morrow.
to arms! To arms! To arms! In dixie!
L'hymne National du Sud.
Les volontaires du 1st Virginia Regiment.
Malgré toutes ces déclarations, les officiels du Sud étaient bien conscient d'une chose: la détermination de Lincoln. Beaucoup d'entre eux étaient convaincu que le Président Républicain ferait tout pour leur imposer un retour au sein de l'Union. Il convenait donc, si la Confédération voulait gagner son indépendance, d'imposer au Nord ses conditions. Le président Davis et ses ministres avaient compris que 9 millions d'hommes contre 22 et une puissance industrielle dérisoire ne permettaient pas une guerre longue. Il fallait frapper les premiers, et gagner le plus rapidement possible.
Une attitude offensive contre l'Union pouvait de plus avoir pour avantage de convaincre les Etats frontaliers esclavagistes (Kansas, Kentucky, Maryland voire Delaware), dont certains avaient (tels le Kentucky) voté des ordonnances de Sécessions mais n'avaient pu les mettre en vigueur du fait de la présence des troupes de l'Union sur leurs sol, de rejoindre effectivement la Confédération. Quoi qu'il en était, la confédération n'avait rien à perdre à pénétrer dans ces Etats à l'Unionisme Chancellant.
Après la période de calme suivant la chute de Fort Sumter et le ralliement du Haut Sud à la Confédération, les évènements s'accélèrerent début Juillet.
Poussé par les journaux et l'opinion, Lincoln fit lui même pression sur l'armée afin que cette dernière entre enfin en campagne. Au nord aussi la croyance en une guerre courte était répandue. Au courant de ces changements et souhaitant attendre les divisions de volontaires prêtes d'une semaine à l'autre, les troupes confédérées se replièrent vers Fredericksburg, afin d'eviter une destruction par des Nordistes jouissant d'une totale superiorité numérique. Là se forme l'armée de Virginie du Nord, sous le commandement d'un héros de la guerre du Mexique, le général Lee.
Ce dernier, anti esclavagiste et aux sympathies Unionistes avait été pressenti par le vieux chef d'Etat major Winfield Scott pour prendre la tête des troupes de l'Union. Néanmoins, ne pouvant se résoudre à tirer l'épée contre sa Virginie Natale, ni contre le Sud, le général Lee avait rejoint l'armée Confédérée et en était devenu, de facto, le commandant en Chef.
Commandées par l'obscur général Kirby, les troupes de l'Union entrent en Virginie et commencent à progresser dans la province de Manassas. C'est sans compter l'Armée de Virginie du Nord mais aussi le corps de 60 000 volontaires (enfin prêts à intervenir) du Général Jackson. Le 17 juillet, les deux armées se mettent en marche afin d'en découdre avec ces Yankees.
Est-ce la fameuse bataille décisive attendue par les deux camps?
A l'ouest, les troupes confédérées, majoritairement composées de volontaires se mettent en marche vers le Kentucky et le Kansas.
En Virginie, les premiers combats ont lieu le 24 juillet. Ces premières escarmouches tournent rapidement à l'avantage des Sudistes, plus nombreux et mieux commandés. Le gros des combats se déroulèrent près de la petite rivière surnommée "Bull Run" , au niveau de la "Manassas Junction". Le général Jackson se fit remarquer par son courage et y gagna le surnom de "Stonewall"
Stonewall Jackson (portant l'uniforme d'avant guerre) à Manassas. "Drive them to Washington!!
Bataille de Manassas.
Les troupes de Kirby cèdent!
Le 6 août après la fin de la bataille de Manassas, la victoire confédérée est totale! L'armée de l'Union recule dans le désordre vers Washington. A l'ouest, les Confédérés ne rencontrent guère de résistance et progressent au Kentucky.
advance the flag of dixie!
hurrah! Hurrah!
for dixie's land we'll take our stand
to live or die for dixie!
to arms! To arms!
and conquer peace for dixie!
Après une victoire si totale à Manassas, les confédérés décident une offensive vers Washington. Dans l'opinion, l'allégresse est totale. Les prédictions les plus optimistes semblent se réaliser. Les Yankees ont été repoussés et humiliés sans coup férir. Un homme écrit dans son journal intime "Après un tel succès de nos armes, il ne fait guère de doute que nous aurons gagné notre indépendance avant l'automne."
Et c'est bien ce que va tenter le gouvernement confédéré. Le 22 Août, poursuivant les Yankees en fuite, Stonewall Jackson arrive aux abords de Washington, rapidement rejoins par Lee. L'affaire est autrement différente de Manassas. Par des prodiges d'organisation, l'Union a reconstitué des forces et si les premiers combats sont à l'avantage de la Confédération les renforts que l'Union jette dans la fournaise vont corser la tâche des Confédrés, il devient vite évident aux yeux de Lee que la prise de la ville si elle est possible sera trop coûteuse en homme. pour un résultat politique trop incertain. La confédération ne peut se permettre de voir sa principale force réduite à une peau de chagrin.
Le 1 er septembre, les troupes confédérées se replient vers la Virginie.
Defense acharnée des Nordistes aux abords de Washington.
Cet échec des Confédérés ne fut peut-être pas étranger au refus de la Grande Bretagne d'arbitrer le conflit, malgré tout les voeux des Sudistes en ce sens. Une intervention étrangère étant, avec une victoire écrasante sur le territoire de l'Union, le seul espoir de la Confédération de gagner son indépendance à court terme.
Lee n'a pourtant pas dit son dernier mot. Fin octobre, ses troupes foulent à nouveau le sol dans la province de Frederick et y malmènent les fédéraux.
C'est à ce moment que l'Union choisit d'attaquer à nouveau, pensant surement, tels les Confédérés début septembre, que les "gris" sont désorganisés par l'échec aux portes de la capitale fédérale et voulant surement profiter de l'absence de Lee.
Seconde bataille de Manassas.
Apprenant la nouvelle, Lee se met en route vers le Sud mais le brillant Stonewall prouve aux yeux de tous qu'il mérite son surnom, et le tout nouveau "Battle flag"
de la Confédération s'y couvre déjà de gloire.
Une nouvelle fois, les Yankees refluent en désordre, une fois de plus, les Confédérés vont tenter d'exploiter le succès.
Atteignant les faubourgs de Washington début décembre, ayant l'avantage au déclenchement des combats, les Sudistes se retrouvent dans la même situation que deux mois auparavant et reculent afin d'éviter une hémorragie qu'ils ne peuvent se permettre.
Richmond apprend l'échec de ce nouvel assaut en même temps que l'échec des tentatives du corps nouvellement formé de 40 000 hommes, sous les ordres de Jeb Stuart, de progresser dans la vallée de la Shenandoah.
L'hiver s'installant, les deux camps léchant leurs blessures, l'accalmie se fit grandissante. Les seules actions avaient lieu à l'ouest, où les Confédérés continuaient à progresser mais où la résistance de l'Union, à défaut d'être pour le moment efficace, se durcissait. Sur mer, les Confédérés avaient espéré frapper un grand coup avec la mise en service du CSS Virginia.
Le CSS Virginia, premier "Ironclad"
Mais malgré les efforts des valeureux marins, le Nord maintenait sa totale suprématie.
Marins Confédérés.
A l'approche du printemps, et alors que le déséquilibre numérique s'installait (35 divisions pour les Yankees, contre 29), il devint évident à tous que l'espoir de mettre fin à la guerre en quelques semaines, voire quelques mois, devait être enterré. Si la Confédération devait gagner son indépendance, ce serait au prix de son sang.
Situation au début du printemps 1862.