Chapteur frit : Mon truc en plumes
England 1460-1488
Lord Klou étudiait attentivement les cartes dressées par son état-major avec la répartition des forces en présence. Dommage que son espion au nord lui soit revenu par colis postaux, six colis. Il ne savait pas à quoi s’attendre sur ce front et n’appréciait guère les surprises. Aussi se retourna-t-il en hurlant quand il entendit du bruit à l’entrée de sa tête de commandement :
- QUEL EST L’ENFOIR… ah, c’est vous Sire ??? finit-il un peu penaud.
Henry arborait une armure vernie en turquoise du plus bel effet avec son heaume surmonté de plumes d’autruche du même vermeil flamboyant que sa cape et la garde ouvragée de son épée décorée de rubis. Herbert se tenait à son côté droit, à moitié affaissé sous le poids d’une cotte de mailles dorée aux reflets irisés, la main maladroitement posée sur la garde de son épée, paume vers l’avant. Il arborait une cape de la même couleur que l’armure de son roi et des chausses roses à pompons. Son casque doré à cimier turquoise glissait en permanence sur ses yeux et il devait le remettre en place sans cesse de son autre main. Au côté gauche d’Henry se tenait Zaza dans la même tenue qu’Herbert mais avec l’air encore moins martial, si c’était possible. En fait son regard disait clairement : « Ce n’est pas mon idée, je ne voulais pas faire ça, je préfèrerais encore être changé en haguish en plein match de soule plutôt que d’être ici. »
Henry s’exclama joyeusement :
- Ha, mon cher général je suis fort aise de vous voir ! J’ai pensé que ma présence à vos côtés sur le front ragaillardirait l’ardeur de nos troupes. Si leur roi est à leur tête nos hommes sauront pourquoi ils se battent… Euh, vous devriez fermer la bouche général.
Lord Klou referma sa bouche béante de stupeur et grommela indistinctement :
- Mieux vaudrait qu’ils n’aient pas la moindre idée de pour qui ils se battent…
Heureusement l’attention très fluctuante d’Henry était déjà tournée vers la table des cartes
- Ho, mais qu’est-ce que vous avez là ? Comme c’est mignon toutes ces petites figurines colorées… Zaza, Herbert, venez voir ! Cria-t-il joyeusement.
- Regardez-moi cet amour de cavalier jaune et rouge…
- Ho, l’adorable fantassin blanc avec sa petite croix de Saint-André…
- Boum, boum, je suis la grosse bombarde, hi hi hi…
- Ho, celui-là c’est mon préféré avec sa jaquette verte sur ses chausses jaunes rayées…
- Mais non : regarde plutôt ce beau cavalier bleu ciel sur son superbe cheval blanc !
- Ho…
- Ha…
Lord Klou tentait de s’éclipser discrètement lorsque le roi se détourna de la table pour le rattraper et le prendre par le bras. Henry était si enthousiaste qu’il ne remarqua pas le regard assassin que lança son général sur la main qui le tenait.
- Venez avec moi, cher général. Vous allez voir que nos pensées se sont rencontrées, je viens de le comprendre grâce à vos figurines.
Henry l’entraîna vers les chariots qu’il avait amenés en poursuivant sa péroraison :
- Moi aussi je me suis dit que notre armée devait refléter l’élégance de notre nation et notre richesse. Alors nous avons amené tout un chariot de plumes d’autruche multicolores pour orner les cimiers de nos hommes. Regardez ça, dit-il en ouvrant la bâche du premier chariot. Le regard stupéfait de Lord Klou se posa sur un amoncellement de plumes et sa bouche béa de nouveau.
- Et ce n’est pas tout, reprit le roi. Nous avons également des tissus pour faire des couvertures de chevaux, des rubans pour décorer la hampe des lances, des pompons pour les vareuses, des galons pour les plastrons. Nous aurons la plus belle armée d’Europe ! Et nos soldats ressembleront enfin à vos figurines au lieu d’arborer tous ce rouge sang de bœuf fort peu seyant.
Le général ferma la bouche et se passa la main sur les yeux comme pour chasser toutes ces couleurs chatoyantes. Il s’assit à l’arrière du chariot et se massa lentement le front des deux mains. Il se sentait comme un œuf oublié dans une poèle à frire : complètement cuit. Puis commença à parler à son roi interloqué par cette attitude.
- Sire… je sais que les détails vous ennuient… mais… je vais… devoir… vous donner une… petite explication stratégique. Revenez avec moi regarder cette carte.
- Mais qu’y a-t-il ? Cela ne vous plait pas ? Enfin nous avons pourtant le meilleur choix de couleurs du royaume ? Qu’est-ce…
- Sire, je vais avoir besoin de toute votre attention…
- Bouh, attention je t’attaque avec mon palefroi pêche et carmin, Zaza !
- Ah, ah, mon petit fantassin mauve va t’arrêter, Herbert !
- J’ai également besoin de votre attention messieurs, cracha Lord Klou d’un ton assez glacial pour permettre le passage de la Manche à pied. Herbert, par réflexe, chercha des yeux un trône où se cacher mais la tente ne comptait que quelques tabourets. Il soupesa quelques instants la possibilité de se dissimuler derrière l’un d’eux. Le chef des armées anglaises commença son explication :
- Toutes ces couleurs que vous appréciez tant servent à différencier les différentes armées. Nos régiments sont en rouge ici, là et là…
- Mais alors pourquoi l’ennemi arbore-t-il toutes ces couleurs différentes ? Hein ? Interrompit Henry d’un ton suffisant, certain d’avoir cloué le bec de son arrogant général.
- Parce qu’il n’y a pas UN ennemi. Mais dix-sept ! Nous sommes en guerre avec tous nos voisins européens sauf l’Empereur Germanique et ses alliés. Sans compter les rebelles Yorkistes.
- Dix-sept ! Mais c’est beaucoup trop ! L’ennemi n’est pas raisonnable…
- C’est le moins qu’on puisse dire, Sire. En fait nos ennemis ont profité de vos démêlés avec vos cousins York pour nous fondre dessus tous en même temps. C’est bien joué de leur part, remarquez, j’aurais fait pareil à leur place.
- Mais cela est indigne d’un chevalier !
Lord Klou regarda son roi droit dans les yeux. Il était temps de remettre certaines choses à leur place :
- Vous me payez pour être chevaleresque ou pour vaincre ?
- Hum, certes. Je vais me charger de la chevalerie. Mais à propos de vaincre ça semble assez mal parti, n’est-il pas ?
- Assez mal en effet. La France occupe la Champagne, le Nivernais et l’Orléanais. La Bourgogne nous a pris le Berri. L’Aragon s’est emparé du Languedoc, du Limousin et assiège le Leinster avec l’aide de Gènes et du Portugal. La Castille a pris position en Guyenne. La Bretagne… Herbert vous pouvez me rendre votre cavalier blanc et noir en hermine ? Merci. Donc, la Bretagne assiège la Normandie et a pris également position en Flandres. Kleves s’est emparé de l’Artois. La flotte Papale renforcée par la Toscane et la Frise bloque la mer d’Irlande. La Navarre assiège le Poitou. Une armée coalisée de Gueldre, Frise Cologne et Palatinat ravage le nord. J’ajoute que les rebelles Yorkistes tiennent encore le Connaught et la Provence.
Le roi Henry commença à pleurer doucement puis sanglota de façon déchirante.
- Bouhouhouh, mon beau royaume. Ouin, ils m’abîment mon beau royaume. C’est pas juste !
Herbert et Zaza se précipitèrent sur lui pour sangloter en chœur avec leur malheureux souverain.
Lord Klou les regarda un moment avec le même air que s’il venait de marcher dans une fiente de putois. Poussa un gros soupir. Et interrompit les lamentations.
- Sire nous n’avons pas encore perdu.
Le pauvre Henry releva vers lui des yeux trempés de larmes et demanda d’un air implorant :
- Vraiment ?
- Vous ne m’avez pas laissé le temps de finir mon exposé de la situation. Notre première armée s’est emparé du Lyonnais et assiège la Franche-Comté. La deuxième armée vient d’être renforcée et fonce sur Paris. La troisième armée est en cours de constitution à Londres. Si vous m’en donnez les moyens financiers je me fais fort de vaincre tous nos ennemis les uns après les autres. Cela suppose de consacrer la totalité du revenu des impôts pour l’armée pendant les deux ou trois ans à venir. Nos généraux sont excellents, ils vaincront si on leur donne les troupes dont ils ont besoin.
Le roi se redressa d’un bond, laissant choir piteusement Herbert et Zaza l’un sur l’autre.
- Parfait général ! Vous aurez tout l’argent nécessaire. Je retourne tout de suite à Londres pour prendre les mesures qui s’imposent.
Il releva Zaza et se dirigea vers la sortie d’un pas décidé en lançant par-dessus son épaule :
- Ha, et je vous laisse Herbert comme aide de camp. Il fera la liaison entre la cour et l’armée finit-il dans un grand sourire doublé d’un clin d’œil éloquent : Il adore les soldats.
Le pauvre Herbert se mit à gémir et à sangloter devant cet abandon manifeste. Trop tard : le roi avait quitté la tente. Il regarda Lord Klou avec de grands yeux mouillés de Lamantin pris dans des filets blessants et d’un ton larmoyant il pleurnicha d’une toute petite voix :
- Il est parti ?
Angleterre en 1488
Bilan : aucune défaite malgré les tentatives du castillan de nous forcer à céder des provinces à l’Aragon. Prise de l’Armor sur la Bretagne, du Lyonnais et de la Franche-Comté sur la France. Diploannexion des vassaux Ulster et Provence. Vassalisation de l’Ecosse. Aucun territoire perdu face aux rebelles. Seulement cinq provinces gagnées pour respecter la nouvelle règle de limite de BB à 25.
Tech : niveau 3 atteint en infra, niveau 4 atteint en land. Sliders maintenant bien mieux réglés grâce aux events de sortie de guerre civile.
Construction de deux distilleries : une en Champagne et une en Guyenne. Le roi a offert une tournée générale aux souverains d’Europe.
Diplomatie : alliance avec l’Empereur sur une base très solide, longuement négociée, qui devrait perdurer vu le succès du premier conflit mené en commun. La menace d’une coalition anti-anglaise ne pèse plus sur nos têtes.