La République nous appelle,
Sachons vaincre ou sachons périr ;
Un Français doit vivre pour elle,
Pour elle un Français doit mourir.
Le Chant du départ, Marie-Joseph Chénier
- Deux objectifs principaux, indiqua De Gaulle, l’Assemblée Nationale et la radio : Tour Eiffel et PTT de Paris. Des ministères peuvent être occupés par l’ennemi, nous ne nous en occuperons pas pour le moment, il nous faut la communication et les députés, d’urgence.
Le commandant Cablipures reprendra l’assemblée nationale et ses abords avec les premier et le deuxième escadrons, le commandant Lefèvre se rendra à l’école supérieure des PTT avec le quatrième escadron, tandis que j’irai sur le champ de Mars avec le troisième escadron.
Cette mission est très délicate, il faut essayer de ne faire aucune victime civile. Essayez d’impressionner l’adversaire pour qu’il se rende sans heur. Si les putschistes résistent, pas de pitié, en revanche.
Le radio retranscrivait exactement ses ordres, ses hommes avaient immédiatement compris l’urgence de la situation après avoir entendu l’annonce de radio Tour Eiffel.
De Gaulle avait aussitôt donné son analyse de la situation et son plan de bataille, avant de communiquer avec ses hommes dispersés en manœuvre
Le radio s’adressa au lieutenant-colonel :
- Colonel, le commandant Cablipures préférerait que vous vous chargiez de prendre l’assemblée.
- Répondez qu’il a toutes les qualités requises et que j’ai plus important à faire.
De Gaulle mis fin à la communication rappelant que l’assemblée devait être totalement contrôlée avant quatorze heures et qu’il fallait s’emparer des postes émetteurs encore plus vite.
- Le sort du pays est entre nos mains. Messieurs il faut faire l’impossible.
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Reynaud qui avait été placé hors de l’assemblée et sous surveillance, perdit une partie de sa contenance quand son regard passa la fenêtre qui donnait sur la Seine.
Plusieurs centaines d’hommes armées se tenaient devant le palais Bourbon, bientôt forteresse inexpugnable. Un tel mouvement avait du exiger des préparatifs comment tout cela avait-il pu demeurer invisible ?
A l’heure qu’il était cette question ne revêtait plus d’urgence, il fallait trouver une façon de s’en sortir, sans quoi la France suivrait l’Allemagne et l’Italie dans leur chute.
Il ne savait même pas si De Gaulle était au courant de la situation, et se demandait bien ce que le lieutenant-colonel et ses hommes pourraient face à une telle force.
Il regardait, l’œil morne, ces « militaires de pacotilles » comme les surnommait De Gaulle, parader face à un des symboles de la République dont ils s’étaient fait maîtres. Il aperçu alors une masse de poussière qui s’élevait de l’est et se rapprochait.
- Comme la cavalerie se rapprochant, songea-t-il, ce serait trop beau.
Soudainement, un sifflement perça l’air, et le fracas d’une explosion retentit. Les miliciens ne paradaient plus, et les cris de stupeur s’élevaient en même temps qu’on cherchait l’origine de cette déconvenue.
- La cavalerie, murmura Reynaud dans un sourire.
Les cris des hommes furent bientôt couverts par le claquement sec et puissant des chenilles métalliques sur les pavés. Le ronflement lourd et sonore des moteurs d’où s’échappait une démoniaque fumée bleue, ajoutait au fracas assourdissant des engins sortis des usines Renault.
Il vit arriver à pleine vitesse un groupe de quatre chars placés cote à cote et qui ne ralentirent pas, à mesure qu’ils approchaient, les miliciens impuissants dont les carabines semblait tirer des plombs de fêtes foraines.
La majorité des paradeurs se débanda en se promettant de revenir plus tard, tandis que les hommes plus expérimentés cherchèrent refuge à l’intérieur du bâtiment qu’ils étaient censés garder.
Un homme jeune pétrifié, fut percuté de plein fouet par un des chars, et Reynaud qui ferma les yeux ne le vit pas se faire broyer par les tonnes d’acier.
Installés devant le perron du palais bourbon à présent désert, les blindés tirèrent plusieurs salves de mitrailleuses en direction des hommes qui retraitaient à l’intérieur du bâtiment.
Trente secondes plus tard, des camions déversèrent des hommes en uniformes de l’armée française. Qui s’élancèrent à vers l’entrée de l’assemblée nationale sous la couverture des blindés.
Les coups de feu résonnaient dans tout le bâtiment et Reynaud les entendaient se rapprocher avec la progression de la « contre-offensive ».
Le crépitement des pistolets et des fusils marquait l’acharnement des combats. Une nouvelle explosion retentit, suivit de cri de douleurs, une grenade à main, cette fois-ci.
- Vous feriez mieux de vous rendre, conseilla Reynaud à la sentinelle qui le gardait.
- Ta gueule, répondit le spadassin qui devenait nerveux.
A ce moment là, des pas retentirent dans le couloir et la porte s’ouvrit brusquement, la sentinelle placée idéalement blessa un des assaillants qui répondirent par un feu nourrit qui atteignit Reynaud au bras.
Une fois la sentinelle morte, les soldats se précipitèrent sur le député qui levait les bras.
- Mon Dieu, monsieur Reynaud, on vous a blessé, s’alarma un assaillant.
- Ce n’est que superficiel, continuez l’assaut, il est plus important que mon sort.
Malgré la douleur brûlante qui sourdait dans son bras gauche, Reynaud était soulagé, De Gaulle avait été tenu au courant de la situation, leur seule chance se jouait à l’instant, et c’est leur meilleur joueur qui tenait les cartes.