Chapteur To Wayne Tiwouane : Le Syndicat des Gros Bill
England 1850-1857
Réunion du SGB
L’ambiance était très bon enfant à la taverne du sanglier qui couine pour la réunion hebdomadaire du Syndicat des Gros Bills. Les convives étaient attablés devant des seaux de cacahouètes, de noix de cajou et de noisettes, quelques bassines de chips et d’olives farcies complétaient le tout au milieu des choppes de bière, avec ça et là quelques plâtrées de cuisses de dindes ou de boudin noir en sauce. Bref les Gros Bill prenaient un petit apéro frugal en attendant l’heure du repas. Le président Bill prit la parole :
- Chers Bills, ce soir le chef nous a concocté un repas traditionnel des bûcherons du Sahara « La gamelle à Yoyo » et je crois que nous allons nous régaler.
- Bonne idée, Bill, j’adore la cuisine exotique, c’est si délicat, s’exclama Bill dit « Gras-double », le docker.
- Ce qui est moins délicat c’est la façon dont tu te mouches dans la nappe, lui rétorqua Bill « Boule-de-suif » le charcutier, on est ici dans un club de gas-tro-no-mie je te rappelle.
La gamelle à Yoyo
- Hé, ho : ya pas nos ponnes femmes alors on ne fa quand même pas ze mettre à faire des manières, pourquoi pas mancher avec des fourchettes tant que tu y es ? le prit à parti Bill «Zeppelin », l’épicier autrichien.
- Si nous revenions à l’ordre du jour, messieurs ? proposa aimablement le président Bill. Nous avons une demande assez surprenante de la part du Lord Protecteur : il souhaite acquérir les droits de notre sigle SGB pour, je cite : « …avoir un nom qui claque pour les réunions des maîtres du monde sévèrement burnés.» Il nous propose 1 livre sterling en guise de dédommagement. Qu’en pensez-vous ?
- Il ne manquerait plus que ça ! Hurla Bill « Mammouth » ex-joueur de cricket professionnel ayant choisi le chômage après l’invention du Cricket-Trap il avait une dent, ou plutôt une mâchoire entière contre Lord Klou. Généralement il se servait de cette mâchoire pour se venger sur les plats en sauce, ce qui lui avait valu de passer de 80 à 280 kilos en seulement 5 ans.
- C’est notre nom ! On se le garde, renchérit Bill « la Barrique » le patron de la taverne.
- 1 livre sterling ? Il se fout de nous ce salaud de noble, gueula Bill « Résidu de Liposuccion » le mendiant cégétiste.
- Donc la proposition est rejetée à l’unanimité ? Conclut le président Bill.
Léger en-cas
Tous les Bills présents levèrent la main en approuvant bruyamment ce rejet. Alors un homme se leva dans un coin de la taverne s’approcha d’eux et prit un siège pour s’asseoir à leurs côtés. Les Bills en étaient muets de saisissement. L’homme enleva son chapeau et le posa sur la table devant lui. On vit luire un crâne rasé de frais. Tous les convives le reconnurent et un « floc » retentissant se fit entendre devant le nombre considérable de double, triple et plus mentons graisseux et de bajoues flasques qui retombèrent sous le choc. Le Lord Protecteur prit la parole :
- Loin de moi l’idée de dénigrer un vote si démocratique messieurs, mais il me semble que vous n’aviez pas toutes les informations requises. Votre sigle SGB étant une marque déposée je ne peux pas m’en servir à moins que vous me le revendiez. Or votre président ne vous a fait part que d’une partie de ma proposition. La seconde partie c’est : « refusez et je vous crève ! ».
Les bons gros visages rougeauds qui l’entouraient perdirent soudain toute couleur, le tremblotement des chairs avait atteint le niveau 12 sur l’échelle du jello.
- Aussi je suggère que vous revotiez, conclut Lord Klou en sortant négligemment Négociation de son fourreau après avoir jeté une pièce d’une livre sur la table.
Jamais unanimité ne fut plus absolue.
Réunion du SGB (bis)
- Les mecs on nous prend pour des lopettes !
Lord Joukie martelait la table de ses poings en hurlant. Il avait mis son joli bavoir doré en prévision de cette première réunion du nouveau SGB après l’acquisition du sigle de la façon subtile et commerciale qui vous a été narrée plus haut. Il continua ses invectives :
- Ouais des grosses lopettes. On dérouille la Chine, la belle affaire ? Où est le challenge là-dedans ? Où est la difficulté ? Où est l’honneur ? « A vaincre sans péril on triomphe sans gloire » comme disait l’autre… euh, Shakespeare ou Frédéric Dard je sais plus, un de vos auteurs. Enfin c’est pas l’important : l’Autriche dérouille la Pologne, l’Empire Ottoman et le monde regarde admiratif en se disant qu’ils sont sévèrement burnés ces austro-huns. Et nous on pète la gueule aux niakoués et le même monde est mort de nous rire. On jase, on médit, on se moque de la décadence du Royaume Uni. On spécule sur la chute de l’Empire. Ras-le-cul de passer pour des grosses fiottes ! Il faut démolir un gros d’urgence sinon on restera dans l’Histoire comme les chochottes qui auront conduit l’Angleterre à sa perte.
- « Lopettes, grosses fiottes, chochottes », on dirait que tu choisis exprès les mots qui fâchent, intervint un Herbert agacé qui avait renoncé pour la réunion à ses tenues excentriques pour un uniforme de colonel étonnant de sobriété. Enfin quand on ne mettait pas le casque à plumes bien entendu…
- Ouais. Il est temps qu’on se fâche bordel ! Et d’abord qu’est-ce que tu fous là, toi ?
Belle brochette d’assassins
- C’est toujours mon aide de camp, Jouk. Il a tout à fait sa place ici, répondit Lord Klou de sa place en bout de table. Sinon pour le reste t’es en plein dans le sujet : le but de cette réunion c’est de trouver une guerre à faire.
- J’aurrrrais petite suggestion à fairrrre, intervint Frrrrensko. Attaquer méchants Rrrrusses pour défendrrrre pauvrrrre peuple de Pologne.
- C’est jouable ça Dist ?
Lord Disturbed consulta ses notes : il avait écrit sur ses paumes les Casus Belli en cours pour ne pas les oublier. Hélas il avait en revanche oublié de prendre ses pilules de grenouilles séchées et le discours tomba dans son décalage habituel.
- Franchement je ne comprends pas ce que Frensko a contre les rousses. Il suffit de leur éviter la pluie ou de bien les essuyer soigneusement et ça ne sent pas si mauvais. Personnellement j’ai connu une Natacha qui avait de longs et soyeux cheveux roux et…
La belle (mais tout de même un peu velue) Natacha
- La ferme ! Est-ce qu’on a un CB contre la Russie oui ou non ? Et contente-toi de hocher la tête ! hurla un Joukie au bord du meurtre et du dépassement de la capacité d’absorption de son bavoir.
Dist hocha négativement la tête de façon si frénétique qu’il fut pris de vertiges et s’évanouit. Lord Klou le ramena à la conscience à sa manière habituelle : de bonnes grosses baffes bien appuyées. Herbert profita de l’occasion :
- Je vais peut-être dire une bêtise mais… et si on s’attaquait justement à ceux qui nous font de l’ombre ? Le monde admire l’Autriche, collons une bonne fessée à l’Autriche (il savoura un instant cette idée qui lui rappelait de délicieux souvenirs).
- Trrrrès bonne idée, rugit Frensko. Méchants Rrrrusses alliés à Autrrrriche. Eux forrrrcés interrrrvenirrrr et nous pouvoirrrr nous battrrrre surrrr deux frrrronts.
Joukie en restait bouche bée. Il ne s’attendait certainement pas à devoir lutter contre son ancien peuple et le fit savoir :
- Euh… ça me gêne un peu quand même. J’aurai l’impression de trahir, là…
- Facile à arranger ça : je te confie le front Russe en Asie. Frensko se chargera de l’Autriche, décida Lord Klou.
- Mais… sous quel prétexte on va faire ça ? Juste parcequ’ils nous font de l’ombre ? C’est léger.
- Dist ? Tu as pris tes petites pilules ? Bien. Réponds à Joukie.
- Officiellement ce sera pour libérer les minorités francophones opprimées de Nice et d’Alsace-Lorraine. Du velours ça. On pourra très facilement manipuler l’opinion. Ils adorent des mots comme « liberté » ces cons de journalistes.
- Bien. Pour une première réunion je trouve que ça a de la gueule. Le SGB est bien parti les gars, conclut le Lord Protecteur.
Front autrichien
5 janvier 1851, quelque part dans les ruines fumantes de Vienne
La Mort et son cher amour se promenaient la main dans la main dans une rue ravagée par les tirs d’artillerie. Les flocons légers de l’hiver voletaient gracieusement dans l’air glacé. Parfois l’un d’eux s’évaporait dans un léger frémissement en se posant sur une poutre encore brûlante. Il n’y avait aucun Viennois dehors, enfin aucun de vivant, et nos amoureux se réjouissaient de ce précieux moment de solitude au milieu de tous les tracas du pouvoir. Autour d’eux, glissant comme des ombres et aussi silencieux que des fantômes, la garde personnelle de Lord Klou veillait au grain. Ces hommes vêtus d’une tenue orange d’une grande sobriété étaient les seuls moines du temple de Shaolin que le Lord Protecteur avait jugé aptes à survivre pour le servir. Il leur avait appris le combat à la barbare : pas de fioriture, une frappe, un mort. Sa pédagogie toute de délicatesse (méthode Champenoise brevetée : une erreur, une baffe) avait fait des merveilles et chacun des hommes de cette garde auraient pu arrêter un tank à mains nues, enfin si les tanks avaient existé. Dans une touchante cérémonie inspirée du rituel de l’adoubement (les mecs qui se relevaient vivants de la colée étaient admis) il leur avait conféré leur nom : Le NKVD, les Nia Koués volants Vachement Durs à dézinguer. Un académicien malavisé fit remarquer que ce n’était pas la bonne façon de construire un sigle. Sa tête tranchée pérorait encore que les grammairiens du Royaume votaient à l’unanimité une réforme de nature à les garder en vie.
La Mort posa sa tête aux traits parfaits sur l’épaule de son homme :
- TU SEMBLES BIEN MELANCOLIQUE MON CHERI.
- Hum, non pas vraiment, répondit-il évasivement.
- OH QUE SI. D’HABITUDE LA SEULE VUE D’UNE VILLE EN RUINE TE FAIT PALPITER LE CALBUTH. C’EST QUOI LE PROBLEME ?
- La guerre c’était mieux avant, soupira-t-il. Je dis pas que l’artillerie c’est pas jouissif, hein. Ca crache de partout, ça bousille en gros et crame tout mais… c’est vachement impersonnel, quoi. Je regrette le bon vieux temps des corps à corps à l’épée ou à la hache… sentir le choc de l’arme qui rentre dans la chair, l’odeur du sang, les tripes qui se relâchent, la terreur dans les yeux de ta victime… la guerre moderne c’est trop industriel à mon goût.
La Mort le regarda peinée.
- MON PAUVRE CHERI. JE ME DOUTAIS BIEN QUE QUELQUE CHOSE TE TRACASSAIT… ET SI…
- Et si ?
- ET SI TU PRENAIS LA TËTE DU NKVD POUR UNE PETITE ACTION COMMANDO AVANT LA SIGNATURE DE PAIX ? IL Y A 5 DIVISIONS AUTRICHIENNES A L’EST, 60000 HOMMES. A L’ARME BLANCHE SI TU PRENDS UNE CENTAINE D’HOMMES VOUS DEVRIEZ LES AVOIR FINI DANS L’APRESMIDI, NON ? CA TE FERAIT LE PLUS GRAND BIEN.
Il prit sa dulcinée dans ses bras et l’embrassa joyeusement :
- Ah ma chérie, tu sais si bien me comprendre…
Assaut du NKVD
Le front sibérien, pas une franche réussite
Le bal des Bill
La fête battait son plein à la cour d’Angleterre. Pour célébrer la victoire sur l’Autriche (et son petit massacre personnel) le Lord Protecteur avait décrété une semaine de réjouissances dont le point culminant était sur le point de débuter. Le rideau se leva et les courtisans ahuris virent sur la scène la troupe des Mignons en costumes à paillette, ça absolument normal, mais aussi les plus éminents membres du SGB au premier plan dans différentes tenus colorées à frou-frous : Joukie, Frensko et Lord Klou. Avec d’encore plus étonnantes perruques blondes. Après un petit numéro de claquettes ils entonnèrent l’hymne très dansant du SGB :
(Sur l’air d’Alexandrie, Alexandra de Claude François)
Ah Aaah
Ah Aaah
Bombes sur les villes
Beaux combats virils
Je te prends ta vie
Je t’arrache les bras
La guerre par-ci, la guerre par-là
La guerre par-ci où la Mort danse avec la nuit
J’ai plus d’appétit
Qu’un barracuda
Je brûlerai toutes les villes si tu n’me retiens pas
Je brûlerai toutes les villes si tu n’me retiens pas
La guerre par-ci,
La guerre par-là
La guerre par-ci où la Mort règne sur les combats
Ce soir j’ai de la fièvre et toi tu meurs de froid
Les sirènes de la banlieue ennemie
Chantent encore la même mélodie wowo
La lueur des flammes de l’incendie
Fait resplendir les corps détruits de la jeunesse
Ah Aaah
Ah Aaah
Bombes sur les villes
Beaux combats virils
La guerre par-ci, la guerre par-là
La guerre par-ci où la Mort danse avec la nuit
Ce soir j’ai de la fièvre et toi tu meurs de froid
Ce soir je tue, je tue, je tue dans les gravats
Salle Bobo
Euh… excusez-moi je vais chercher mon bavoir…
La jeune reine Victoria était resplendissante de beauté, sa taille de guêpe éblouissait tous les observateurs étrangers autant qu’elle fascinait les ministres et divers courtisans qui se succédaient à un rythme frénétique de colibri pour la butiner. Elle avait pris l’habitude, à la grande surprise de son parrain, d’écouter systématiquement les rapports de son gouvernement tout en pédalant à un rythme effréné sur son vélo d’appartement. Du coup sa taille 34 mettait merveilleusement en valeur un bustier qui lui n’avait rien perdu de ses formes généreuses. Le sol était désormais couvert d’une épaisse moquette pour absorber la bave de désir qui dégoulinait par hectolitres pendant les rapports des ministres.
Les rapports d’activité coloniales
Une curiosité : les USA russes
Et deux petites guerres faciles pour ne pas perdre la main
Ze titre
Wayne Tiwouane avança lentement dans la lumière qui l’éblouissait. Mais bon sang où était-il ? Il se prélassait peinard sur une plage hawaïenne trop cool après une bonne matinée de surf top délire et d’un coup le voila transporté dans… dans un rien du tout très lumineux et vachement glauque, tu vois. Un genre de page blanche géante. A tout hasard il posa la question :
- Mais bon sang où je suis, quoi ?
Alors la voix du narrateur résonna :
- T’es là pour justifier le titre du chapteur. Point barre.
- Hein ?
- Laisse tomber : t’as pas l’équipement pour comprendre. Et maintenant tu te casses.
- Wah l’autre, hé mec c’est moi le roi de la casse…
Alors on entendit comme un gargouillis pathétique de sanitaires libérés et Wayne disparut.
Cassééééé…